La symphonie picturale
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C'est le genre de film très spectaculaire qui gagne à être vu sur grand écran. J'ai donc eu la chance de le voir en salle, sur deux jours, la version française projetée étant découpée en deux parties comprenant chacune deux époques, avec un entracte de dix minutes entre les deux (le temps de recharger le projecteur avec la 2ème bobine). Soit 4 heures de projection le premier jour, et 3 heures 10 le second. Je vous laisse faire l'addition pour la durée totale du film. IMDb parle, lui, d'une version de 8 h 04.
J'ai trouvé que la copie était de qualité moyenne et eu l'impression qu'il manquait des petits bouts par ci par là (il y a quand même un bon 50 minutes de différence entre la version vue et celle dont parle IMDb), probablement parce que la pellicule de la copie était endommagée (à moins d'une éventuelle intervention de la censure, mais ça me semble peu vraisemblable).
Quoiqu'il en soit, plus de cinquante ans après la sortie de ses deux volets (1966 - 1968), Guerre et Paix de Sergueï Bondartchouk reste un film-fleuve magnifique, une adaptation magistrale et mémorable du célèbre roman russe de Léon Tolstoï. Il a d'ailleurs remporté l'Oscar du "meilleur film étranger" en 1969.
Le film est vraiment très spectaculaire. Par sa durée, les moyens mis en oeuvre, le nombre incroyable des figurants, la longueur et l'importance des scènes de bataille : Austerlitz dans la 1ère époque, Borodino (aussi appelé la bataille de la Moskova), dans la 3ème époque, c'est une expérience à vivre.
On peut néanmoins regretter que l'intrigue du roman autour des 3 ou 4 personnages principaux soit un peu (beaucoup) éclipsée par le côté grandiose des reconstitutions historiques et la volonté de traduire de façon poético-grandiloquente la philosophie panthéiste (?) qui imprègne l'oeuvre de Tolstoï. C'est particulièrement clair lors de Borodino, bataille sanglante et "victoire à la Pyrrhus" de Napoléon sur l'armée russe commandée par Koutouzov : le déroulement de la bataille dure une éternité, c'est un déchaînement de cris et de fureur, de charges effrénées de cavalerie dans tous les sens, de canonnades assourdissantes, de fantassins s'éventrant mutuellement avec leurs baïonnettes, le tout souligné par une musique à fond la caisse, en même temps que noyé dans la fumée des explosions et des incendies ponctuels. On est au coeur de la bataille, on en vit pleinement l'horreur et en même temps on n'en comprend absolument pas la progression, ni pourquoi Napoléon, le "grand satan" du métrage, reste finalement maître du champ de bataille (Koutouzov choisissant la retraite pour sauver ce qui lui reste de troupes), après 45 minutes filmées de combats mettant aux prises 120.000 figurants.
Donc un long métrage monumental, mais pas toujours très logique, ni cohérent, ni bien proportionné, au niveau du déroulement de l'intrigue : il y a des scènes sur lesquelles on s'appesantit exagérément (genre : "On a dépensé sans compter pour cette reconstitution à la gloire de la grande Russie, alors faites de la pellicule, hein, que le peuple russe en ait pour son argent !") et des scènes ayant trait à la vie et à la compréhension des personnages du roman, qui sont quasiment éludées pour on ne sait quelles raisons. Entre parenthèses, signalons que le réalisateur joue un des rôles-clés du film : le comte Pierre Bezoukhov.
Un film fleuve, grandiose, inégal, parfois agaçant, parfois émouvant. Réalisé par un Bondartchouk, qui n'est ni Eisenstein, ni Visconti, mais m'a plutôt rappelé le Victor Fleming d'Autant en emporte le vent (sans doute par le côté "grande fresque romantico-historique" de son film), tout en me faisant aussi penser, bizarrement, au travail et à la vision artistique de Terrence Malick, notamment dans La Ligne rouge (un rapprochement qui m'est venu à l'esprit, lors de la vision des deux premières périodes).
Je résume : Sans atteindre au pur chef d'oeuvre (mais peut-être suis-je partial, car les Français n'ont pas le beau rôle dans ce film), le Guerre et Paix de Sergueï Bondartchouk reste quand même un monument incontournable du cinéma mondial.
(Critique écrite il y a quelques années et légèrement retouchée pour sa publication ici.)
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Créée
le 15 oct. 2020
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