Pour Mathieu Turi, Gueules Noires a tout du changement dans la continuité de sa filmographie. Car s'il reprend l'aspect claustro de Méandre, son opus précédent, ainsi que son feeling vidéo ludique, l'évolution de la formule apparaît pour le moins évidente.
Tout d'abord par le décor dans lequel le réalisateur ancre son intrigue, soit les corons nordistes des années cinquante. Puis en passant de la solitude d'une femme luttant pour sa survie à celle d'un groupe. Enfin, en identifiant clairement la menace.
Ainsi, ce que Méandre offrait en possibles interprétations est troqué dans Gueules Noires pour une efficacité certaine dans la gestion de la peur et de la tension, transformant le décorum détaillé d'une mine du Nord en nouveau terrain de jeu horrifique. Ce qui s'impose déjà comme plutôt original.
D'autant plus que ce labyrinthe est pour le moins métissé : on jurerait en effet que l'action se déroule comme dans ces vieux films d'aventures à base de malédiction liée au pillage d'un tombeau égyptien. Tandis que les parois des tunnels sont revêtues de glyphes illustrant des rituels et des légendes d'origine précolombienne. Le tout prenant appui, le temps d'une introduction délocalisée, sur le ciel ouvert du Maghreb.
Pour mieux plonger quelques minutes plus tard dans les entrailles de la terre, où Mathieu Turi ne se laisse jamais ensevelir par ses multiples références. Où il réussit en quelques occasions à faire vivre à l'écran la magie des écrits de Lovecraft, tout en inscrivant son action dans une mise à l'honneur, en forme de huis clos, du patrimoine français, au terme d'une première partie d'oeuvre précise et juste décrivant le monde des mineurs.
Mathieu Turi réussit de la même manière à faire vivre son groupe, même si certains de ses membres sont quelque peu stéréotypés. Parce que, dans les traces du John Carpenter de The Thing, il en dessine avec précision ses relations et ses dynamiques, et rend ses hommes crédibles et attachants. Pour faire en sorte que l'on s'inquiète de leur sort.
Et si le monstre aurait peut être gagné à rester un peu plus dans l'ombre afin de cacher quelques maladresses, il s'impose cependant comme une menace et une source de terreur plus que convaincante, vampirisant plus d'une fois l'écran.
Gueules Noires remplit donc son contrat horrifique haut la main, tout en ne s'interdisant jamais, et sans asséner son discours, de semer plusieurs petits éléments de réflexion sur le thème de l'exploitation sous toutes ses formes. Celle de la terre qui ne cesse d'être pillée par l'homme avide de ses richesses. Celle, de classe sociale, ne considérant le prolétariat er ses bras que comme pouvant être à loisir sacrifié. Ou encore la mainmise française sur ses colonies, navigant entre dédain, racisme et intérêt économique.
Gueules Noires offre donc une sombre odyssée souterraine qui est loin de faire grise mine.
C'est qu'elle était facile, celle-là.
Behind_the_Mask, noir comme le charbon.