Dans le concept “des mecs vont sous terre et tombent sur un démon d’une civilisation oubliée”, on est clairement quelques crans au-dessus du navet Pyramide, mais Gueules Noires n’en reste pas moins complètement anecdotique.
Il a pourtant quelques atouts dans sa manche, mais ceux-ci sont toujours contrebalancés par des choix au mieux douteux, au pire honteux. La créature, par exemple, a un design lovecraftien plutôt singulier et somme toute assez sympathique. Mais elle apparaît bien trop vite et bien trop souvent à l’écran, on est donc très rapidement capable de se la représenter dans son entièreté lorsqu’elle est absente, enlevant tout le pan indicible à l’horreur qu’elle est censée procurer.
Le contexte est lui aussi louable, les bassins miniers du Nord n’ayant à ma connaissance jamais été exploités dans le genre, et permettant à Mathieu Turi de dépeindre les conditions de vie de ces ouvriers qui se cassent en deux pour les grands patrons, tout en mettant en exergue l’exploitation colonialiste des travailleurs expatriés sans jamais s’y appesantir. Mais là encore, c’est vite balayé, et si l’on n’attendait pas le traitement de Germinal, il eut été plus judicieux de sortir des grands poncifs généralistes qui sont balancés là, et d’en profiter pour donner un peu plus de corps aux personnages.
Personnages qui sont sans doute la plus grosse tare de Gueules Noires tant ils ne sont que des fonctions pour lesquelles la meilleure volonté du monde ne peut faire ressentir aucune empathie. Les retrouvailles de Le Bihan et Torreton après Capitaine Conan, et la présence de Anglade, ne font rien. Le jeu est mauvais, car circonscrit à des dialogues d’une platitude exaspérante et une profondeur dans la caractérisation aux antipodes de celle des tunnels dans lesquels ils évoluent.
Gueules Noires se vautre péniblement dans l'exemple typique du film de genre à la française raté, et ses quelques réussites, n’étant pas des fulgurances, ne permettent pas de le sauver des abîmes dans lesquelles il chute. C'est d'autant plus flagrant qu'à peu près à la même époque sortaient coup sur coup Vincent doit mourir, Mars Express, Le Règne Animal ou encore Vermines (qui commençait lui aussi par un clin d’œil appuyé à L'Exorciste), prouvant qu'il était possible de faire du genre réussi dans nos contrées.