La critique complète du film : http://cinecinephile.com/guy-realise-par-alex-lutz-sortie-de-seance-cinema/
Le passage d’un humoriste de la scène derrière la caméra n’a pas toujours été de très bon augure. On pense tout de suite à des cas tels que Dany Boon qui nous gratifie chaque année désormais d’une comédie lourdingue qui n’apporte pas beaucoup de fraicheur à un cinéma français en manque d’inspiration lorsque l’on parle de comédie. Mais il existe des exceptions à la règle, et dès son postulat de départ, le deuxième long-métrage d’Alex Lutz apporte une certaine originalité, une certaine fraicheur assez bienvenue par son dispositif de mise en scène. Guy se présente comme un faux documentaire, autrement appelé « documenteur », réalisé par Alex Lutz, qui raconte l’histoire de Gauthier (Tom Dingler), un jeune réalisateur qui apprend par une lettre de sa mère décédé qu’il est le fils d’un chanteur de variété française encore en activité mais un peu oublié, Guy Jamet (Alex Lutz, en dessous d’un maquillage de 5h extrêmement réaliste). Pour se rapprocher de son père, Gauthier décide de tourner un documentaire, dont le long-métrage illustre la forme, sur le chanteur afin de rentrer petit à petit dans le cercle intime de ce dernier.
Guy est un film trompeur. Trompeur par le travail d’orfèvre qu’insuffle Alex Lutz à sa mise en scène, ainsi que dans l’écriture qu’il partage avec ses co-scénaristes Thibaut Segouin et Anaïs Deban, mais aussi par le montage de ses monteurs Alexandre Donot et Alexandre Westphal. Le montage du documenteur est fluide, oscillant entre de fausses images d’archives plus vraies que nature, des scènes de tournées de concerts et de répétitions, ainsi que des moments d’intimité dans la propriété du chanteur. Tom Dingler, l’interprète de Gauthier, intervient hors-champ par la voix intradiégétique, se situant entre l’opérateur et la caméra qui devient un personnage à part entière. Un spectateur de substitution que Guy interroge par des regards caméras ou en s’adressant directement à Gauthier, donc à nous directement puisque nous sommes à la place du filmeur. Alex Lutz respecte les codes de la mise en scène du cinéma documentaire, privilégiant une proximité, une relation entre le filmeur et le filmé qui se construit progressivement, créant une proximité entre le spectateur et un personnage de chanteur fictif qui existe grâce à la performance du comédien, ce qui renforce le réalisme trompeur et presque troublant par moment de ce documenteur.
[...] Au final, Guy pourrait n’être qu’un exercice de style fort et déconcertant par son réalisme. Une performance d’acteur et de cinéaste qui nous trompe par le réalisme de sa forme. Un tour de prestige que l’on pourrait oublier aussitôt sorti de la salle. Mais le long-métrage d’Alex Lutz marque et émeut par cette profonde mélancolie qui se dégage de ce portrait d’une génération antérieure dont les images sont vouées à disparaître, le cinéaste concluant son film sur un épilogue en voix off où ce dernier nous convie à réfléchir sur les images éphémères que nous venons de voir. Guy est avant tout un film sur le temps qui passe, qui interroge l’œuvre d’un artiste qui est vouée à être oubliée. Il en ressort un questionnement existentiel mature et urgent qui surprend car arrivant là où l’on ne l’attendait pas. Guy est un film de performeur, d’artiste. Mais c’est aussi une véritable proposition d’auteur. Un objet filmique qui, par son originalité, fait un bien fou aux sentiers balisés de la comédie française actuelle.