Benoit Mariage, réalisateur belge trop rare, livre son nouveau film qui est apparu à la presse et aux spectateurs comme un film anecdotique. Le long-métrage a pourtant plusieurs atouts dans son sac. Tout d’abord, le comédien principal, Bastien Ughetto, aperçu dans Adieu les cons (si si le fils de Virginie Efira), qui révèle un jeu unique et décalé pour camper un personnage qui ne l’est pas moins. Sa diction étrange, son regard ébahi ou circonspect dans de nombreuses scènes, sa manière maladroite de bouger son corps, de prendre l’espace dans une pièce malgré lui. Peu d’acteurs jouent comme lui. Le personnage est maladroit, un peu absent de sa vie, malchanceux et mal à l’aise avec les gens et l’acteur est parfait dans le rôle. Le réalisateur épouse le regard de son héros, qui sera également celui du spectateur : d’abord étonné par l’absurdité des événements et des situations, puis indifférent face aux personnages hauts en couleur et aux péripéties improbables, comme si c’était normal.
Le film dépeint très bien la difficulté pour un acteur maghrébin de trouver sa place dans l’industrie. De personnage cliché en personnage fantasmé, Habib ne choisit pas vraiment ses rôles, subit le système, que ce soit au théâtre – avec un metteur en scène transgressif – ou au cinéma – délinquant, sportif, gigolo. L'interview qu'il donne ainsi à une petite fille est à la fois drôle (les questions et le ton solennel de l'enfant) et terriblement triste. Le décalage du personnage par rapport à la réalité donne lieu à des scènes tordantes : un casting sans relief et malaisant, un tournage épuisant et ridicule, un rite de passage qui tourne mal, une scène nudiste ; sans oublier les dialogues, écrits à l’image du héros : absurdes mais toujours pertinents. L’autre grande force du film est l’amour du cinéaste pour ses personnages (la sœur, la mère, même le père) et la poésie et la douceur qui concluent le parcours de Habib : une très belle fin romantique sensible et décalée.