Neuf années après le pied-de-nez aussi imprudent que captivant de Rob Zombie qui retira le masque de Michael Myers aux confins d’un onirisme macabre, la maison Blum s’accapare le mythe pour le faire renaître de ses cendres, en invoquant le maître en personne John Carpenter, qui participe en tant que producteur, consultant artistique et compositeur de la musique. Mais c’est surtout David Gordon Green, précédemment enclin à la comédie potache et au drame social, qui s’installe derrière la caméra pour faire de Halloween sa première expérience horrifique.
Comme pour panser les plaies du trauma Zombiesque, cette ultime suite qui efface tous les événements post-1978 montre à chaque seconde son respect totale de l’opus original, allant jusqu’à invoquer des plans identiques au film de Carpenter, de la référence au détournement. Un acte parfois maladroit, toute comme les petites moqueries lancées sur les suites et le reboot de la licence, mais la direction donnée se révèle claire comme de l’eau de roche : ce renouveau est une mutation où les masques changent. Sa principale victime est un écho, celui entre le croque-mitaine et Laurie Strode, dont le retour de chacun donnera des frissons à plus d’un. Tandis que l’ancienne baby-sitter épouse la forme de son obsession au détour de quelques reprises visuelles, le tueur lui répète plusieurs massacres brutaux et archaïques. Les amateurs de frissons, primitifs comme connaisseurs, pourront être déçus du résultat ici, mais les véritables intentions se devinent très vite derrière le camouflet de la série B : Halloween n’est plus un film d’horreur, mais un drame post-traumatique.
Dans l’ombre de Carpenter, Michael Myers était la figure même du Mal, impalpable, incontrôlable, inexplicable, qui contrôlait le médium cinématographique pour donner naissance à son mythe. Sous la houlette de Green, le croque-mitaine se transforme en symbole, celui d’une Amérique détraquée, sa peur et sa haine en héritage. Face à Myers, Laurie cristallise aussi cette névrose implacable, en contrôlant à son tour le dispositif – les références visuelles, certes, mais aussi l’exemple le plus limpide qu’est ce plan où l’héroïne se rapproche de la caméra qui concentre alors son cadre sur son revolver avant le cut : loin d’être anodin face à de nombreux exemples parfois tétanisants où le démon des armes s’impose (l’enfant témoin de l’évasion de Myers), le port des armes à feu devient ici l’ultime vecteur de cet héritage morbide, effroyablement actuel.
Emprisonné dans l’ombre du passé, ce nouvel Halloween pourra frustrer les fans de la première heure comme les groupies de l’horreur contemporaine : l’exercice de David Gordon Green, aussi fascinant que pertinent, tend à calciner notre nostalgie pour nourrir les signes de son aura critique. L’acte fonctionne, sans pour autant oublier des fulgurances de violence jubilatoires, même si le métrage est parfois victime de son cahier des charges et d’une narration chaotique. Dans le slasher pervertit aux icônes essoufflées, le mythe se conserve en changeant l’essence de ses codes, pour briser la légende en diptyque d’un trauma à l’américaine.
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