Hana-Bi est le film qui m'a fait découvrir Kitano dans les années 2000, peut-être avant, je ne me souviens plus. Mais, je n'arrivais pas à trouver le DVD dans des conditions acceptables. Jusqu'à maintenant. Enfin.

J'ai pris un immense plaisir à revoir ce film qui mélange – habilement – deux univers l'un de violence et l'autre de poésie. À croire d'ailleurs que ces deux univers sont indissociables. À croire que l'un des univers n'existe qu'à cause de l'autre et réciproquement.

Heu, oui, une autre façon de le dire c'est que ces deux univers sont aussi un univers où la mort règne et un univers où l'amour règne.

Le film raconte l'histoire de deux flics. Le premier, Horibe, devient paraplégique lors d'un affrontement avec des yakuzas et va désormais tuer le temps en se consacrant à la peinture. Le second, Nishi (Kitano) va quitter la police pour se consacrer à sa femme atteinte d'un mal incurable. Tout ça, on ne le sait pas de la bouche de Kitano qui, comme d'habitude, est un homme taciturne qui ne parle guère et qu'on voit très mal raconter sa vie, fût-ce à une caméra. Ce sont ses jeunes collègues qui s'échangent des informations presque sous le manteau. On pourrait penser qu'il n'est certainement pas correct de parler de la vie privée d'autrui…

Les scènes d'une grande violence n'excluent pas une forme d'humour un peu noir ni une forme de remords pour les erreurs commises. En effet, Horibe se retrouve paraplégique à la suite d'un cafouillage lors d'une filature dans lequel Nishi (Kitano) porte une part de responsabilité qui va le hanter. Et lorsque Nishi quitte la police, il se trouve seul et vulnérable face aux yakuzas qui se mettent à le harceler. Mais c'est compter sans les bons réflexes de brutalité pure de Nishi qu'il peut désormais exercer impunément … Et quand le spectateur voit arriver deux jeunes godelureaux très mariolles qui veulent lui faire sa fête, le spectateur pense in petto qu'ils sont venus en toute innocence prendre une leçon. Et ça ne loupe pas …

En contrepartie de toute cette violence, on entre dans l'univers de la peinture du sieur Horibe où il dessine des animaux qu'il agrémente avec des fleurs et c'est magnifique. La caméra glisse lentement sur la fleur puis sur son incrustation peinte sur la silhouette de l'animal. La scène où on voit le crayon tracer un contour génère en moi un effet de sérénité, de plénitude analogue à celui d'une petite vidéo que j'avais trouvée sur internet où on voit une main tracer des formes (éphémères) dans un bac de sable et les faire évoluer. Là, en plus, j'ai découvert que toutes les peintures montrées sont l'œuvre de Kitano lui-même. Il y a donc quelque chose d'intime qui passe entre Kitano et le spectateur par le biais du film.

Et pour finir, le voyage qu'organise Nishi pour faire un dernier plaisir à sa femme, Miyuki, est juste sublime. On les voit en contemplation devant le mont Fuji ou devant la mer. Dans la campagne en fleurs ou sous la neige. Et on pleurerait presque à voir Miyuki se mettre à sourire puis éclater de rire devant les pitreries de son mari (avec toujours son visage renfrogné). J'adore son air dépité dans le jeu où Nishi doit deviner une carte jusqu'à ce qu'elle comprenne la supercherie.

Spoiler : Et la fin est grandiose devant la mer. Il avait été précédemment dit que le couple avait déjà été fort affecté par la mort en bas âge de leur enfant, circonstance aggravante de la maladie de Miyuki. Or voilà, que sur la plage, court une petite fille avec un cerf-volant. L'actrice qui joue le rôle de la petite fille est la propre fille de Kitano.

Tout est donc réuni pour que le rideau tombe.

Grand film que ce Hana-Bi, cette fleur de feu, ce feu d'artifice.


JeanG55
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