C'est pour moi la suite logique de "Annie Hall" et "Manhattan" (vision tout à fait subjective puisque ce sont les deux seuls films de Allen sortis avant "Hannah et ses sœurs" que j'ai vus) : beaucoup d'idées, de concepts, de formules sont reprises ici et améliorées. Il y a une forme de maturité dans le style visuel et dans la façon de raconter l'histoire qui passe beaucoup mieux pour moi. Ou bien est-ce qu'on s'habitue peu à peu aux personnages, au style, à la grammaire du réalisateur ? Je ne saurais vraiment dire, mais ce fut un vrai plaisir.
Toujours sur le mode de la chronique, toujours un sommet d'acidité avec ce petit air de ne pas y toucher, certainement plus apaisé et maîtrisé que les deux films précédemment cités (déjà très bons). C'est d'une telle densité, les récits se croisent, les personnages s'entrecroisent, les époques s'enchaînent, et Allen jongle avec tous ces paramètres avec une aisance et une lisibilité tout à fait appréciables. Un petit air de "Fanny et Alexandre" également, dans ces trois repas qui marquent les trois temps forts du récit, dans des atmosphères bien particulières (gaieté, crise, résolution). On passe du comique au grave, du mélancolique à l'introspectif, le tout sans s'en rendre vraiment compte, de manière très naturelle. Jamais le personnage de Woody Allen (hypocondriaque invétéré) ne m'aura autant fait rire... Et Michael Caine n'est pas en reste, tellement lâche, tellement pleutre, tellement opportuniste ! On sent tellement le vécu qui sous-tend l'écriture de ses personnages, on ne sait plus s'il faut en rire. Un regard à la fois tendre et incisif sur la fragilité des relations humaines, familiales, amicales, ou amoureuses. Autant de retournements (quel final, il m'a achevé !), autant de solidarités qui se forment et se défont pour se muer en rivalités, et magnifiquement encapsulé dans le New York que Woody Allen aime tant.
[Avis brut #22]