Trouble et calme à la fois
C'est toujours plaisant de découvrir un film de Woody Allen, que ce soit un de ses derniers ou un de ses premiers... Le bougre se répète inlassablement et moi j'écoute, inlassablement.
Avec "Hannah and her sisters", l'auteur se permet pas mal de liberté dans sa narration, se préoccupant plus des personnages que des codes dramaturgiques. Il ne les laisse pas pour autant tomber, on a droit à une fin pour chaque intrigue développée, de même qu'une petite phrase délivrée par le personnage hypocondriaque du film (je vous laisse deviner qui l'interprète) semble venir nous dire quel était le but de ce film : laisser vivre les personnages, accepter les choses telles qu'elles viennent, se laisser porter par la vie, profiter du moment présent dans toutes ses peines, ses contradictions, ses joies. Il n'en fallait pas plus. Personnellement je préfère un cinéma romancé de la sorte, qui propose une réalité crédible mais bien parallèle à la nôtre, où les dialogues sont fantasmés (car jamais nous ne parlerions de la sorte) plutôt qu'un film qui se dit réaliste, où les personnages tournent en rond, ou rien n'est réellement dit (par exemple "La vie d'Adèle").
Côté mise en scène, je constate que Woody était plus nerveux à l'époque, qu'il utilisait sa caméra pour bien entrer dans la tête de ses personnages, qu'il adoptait des points de vue dynamiques et pertinents. J'aime toujours son travail formel d'aujourd'hui, son épuration actuelle lui permet de mettre de la distance par rapport à l'histoire qu'il raconte. Ce sont en fait deux façons de faire à l'opposé, mais qui se valent. Niveau casting, c'est toujours pareil, le bougre sait bien s'entourer des acteurs en vogue et qui ont un minimum de talent. L'on se plaît ici à découvrir les trois soeurs et Caine, complètement dépassés par le moment présent.
Bref, "Hannah and her sisters" est une tragédie de la vie de tous les jours, Woody analyse comme à son habitude les faux départs et les désespoires de personnages hauts en couleurs, il le fait avec humour et tendresse. Un délice.