Film porte-drapeau du mouvement mumblecore, Hannah Takes the Stairs s'empare de la comédie romantique traditionnelle pour la tordre dans tous les sens jusqu'à l'altération la plus extrême. Le spectateur peut, par ailleurs, être rapidement agacé par l'expérimentation où Jean-Luc Godard croiserait Woody Allen dans le plus exigüe des ascenseurs. Mais il peut également être fasciné par la fraîcheur de l'expérience, surtout face à cette excellente troupe de comédiens et de techniciens sans le sou qui réinvente à sa manière le cinéma indépendant.
Hannah, jeune femme fraîchement diplômée, entre dans la vie active. En couple avec Mike, un épicurien qui vient de lâcher son boulot pour mieux profiter de son été, elle se voit inconditionnellement attirée par ses deux collègues de travail, Matt et Paul, des jeunes scénaristes créatifs et passionnants. En quête d'elle-même et incapable de prendre des décisions, Hannah va tenter de trouver une direction à sa vie...
Avec ses dialogues entièrement improvisés et ses images tournées en DV, le troisième long-métrage de Joe Swanberg écume les festivals indépendants durant 2 ans et marque indéniablement les esprits de celles et ceux qui cherchent un cinéma singulier, à 100 000 lieues des clichés romantico-dramatiques hollywoodiens. Par manque de moyens, le DIY est ici forcément de mise et, au vu du résultat, l'on ne peut que reconnaître un talent fou à l'équipe dont la moyenne d'âge lors du tournage était de 23 ans. Vivant ensemble dans le même appartement durant l'expérience, ils se serrent les coudes et expriment à l'écran les préoccupations de leur génération à l'aide d'une structure palindrome, le début et la fin du métrage se reflétant dans une constante évolution. Changer sa vie tout en restant soi-même reste ainsi le but d'Hannah, une chouette fille un brin paumée qui sait néanmoins ce qu'elle veut, mais sans savoir comment l'obtenir. Incarnée par la formidable Greta Gerwig, qui a également participé au scénario, Hannah à conscience de son ego, de ses faiblesses, de son empathie envers les autres aussi. Mais comment s'épanouir pleinement dans les méandres d'une société où le paraître reste malheureusement primordial ?... D'aveux en désaveux, les personnages qui animent le métrage vont faire face à eux-mêmes, s'aimer, se séparer et indéniablement se comprendre grâce à la communication et la sincérité. La scène où Matt, l'un des deux collègues d'Hannah, avoue à cette dernière qu'il est victime d'une dépression est remarquablement touchante, surtout quand l'on sait qu'elle fut entièrement improvisée par les deux comédiens. Par ailleurs, Greta Gerwig crève l'écran à chaque apparition tellement son naturel reste déroutant. Elle s'habille, se déshabille, s'exprime, urine et pleure devant la caméra sans pudeur, se livrant corps et âme au film comme si sa vie en dépendait. Avant de devenir la réalisatrice de blockbusters estivaux comme Barbie ou la nouvelle trilogie Narnia pour le compte de Netflix, elle prouvait ici, du haut de ses 23 ans, qu'elle est avant tout une immense actrice. De celles qui émeuvent d'un simple regard.