La torture mentale d'Ingrid Bergman

Quelques semaines à peine après leur mariage, Paula et Gregory Anton s'installent dans une demeure londonienne où un meurtre fut autrefois commis. Rapidement, la nature de leur relation change, et le mari à l'accent français prononcé prend le dessus sur sa femme. Des mois durant, il entreprend de la faire douter d'elle-même en lui répétant sans cesse qu'elle est souffrante et qu'elle perd la mémoire. Peu à peu, la jeune femme finit par croire à ces insinuations, et elle perd dès lors toute confiance en elle : alors qu'elle rayonnait de beauté et d'assurance, elle est désormais paranoïaque et voûtée, à l'affût du moindre bruit dans sa maison vide. Incapable d'affronter les colères de son époux, elle n'ose plus sortir et s'enferme peu à peu dans un délire de persécution...

Très franchement, Ingrid Bergman m'a bluffé dans ce drame psychologique. Je pensais que comme tant d'autres actrices, elle devait essentiellement son succès à sa plastique de rêve. Et bien je me suis trompé ! Tout au long du film, on la voit changer physiquement et mentalement sous nos yeux, et son Oscar obtenu en 1945 pour ce rôle est amplement mérité. Sa relation tendue avec la femme de chambre donne lieu à de savoureux échanges empreints d'hypocrisie, et la manière dont le réalisateur joue avec la folie de Paula lors des 40 dernières minutes est absolument réjouissante pour le spectateur.

Pourtant, faire un film sur la manipulation et le conditionnement mental n'est pas chose aisée : pour que cela fonctionne à l'écran, il vous faut une bonne alchimie entre les différents acteurs, et force est de reconnaître qu'avec Charles Boyer, Ingrid Bergman et la toute jeune Angela Lansbury, George Cukor a eu le nez creux. Techniquement, les clairs-obscurs de Joseph Ruttenberg sont magnifiques, et les rues vides plongées dans le brouillard épais donnent à ce thriller déjà oppressant une ambiance presque lunaire. Mon seul petit reproche concerne le suspense : on se doute bien trop rapidement que le mari n'est pas net, et sans la scène de la lettre, l'incertitude aurait pu durer plus longtemps.
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le 17 janv. 2012

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