Hara-Kiri ou Seppuku est un film Jidai-Geki (genre consacré à des œuvres concernant l'histoire médiéval du Japon) de Masaki Kobayashi sorti en 1962 avec Tatsuya Nakadai dans le rôle principal.
Le film se déroule au début de l'ère Edo (qui fut proclamé après la bataille de Sekigahara puis consolider après le siège d'Osaka), où Hanshiro Tsugomo, un samurai d'un clan de Geishu qui suite à la dissolution de son clan, se retrouve plusieurs années plus tard, à vouloir lui-même se faire Harakiri ou Seppuku pour mourir " honorablement ", et pour ce faire, il demandera au clan Li de s'occuper de la cérémonie et accomplir le kaishakunin.
Cependant, avant de se faire seppuku, Tsugumo souhaite raconter son histoire qui semble être étrangement relié avec un jeune homme venu demander l'aumône avant de se faire également seppuku ...
Mais qu'est-ce que le Harakiri ?
Le Harakiri qui signifie coupure au ventre, est le rituel de suicide masculin par éventration propre à la classe samurai qui se fait à l'aide d'un wakizashi (sabre court) voire d'un poignard de type tanto, permettant de libérer l'âme du futur défunt, qui peut être accompagné d'un Kaishakunin qui consiste à ce qu'un samurai coupe la tête du futur défunt après qu'il se soit ouvert le ventre pour abréger ses souffrances.
L'un des derniers en date ne fut d'autre que le seppuku de Yukio Mishima décrit par Marguerite Yourcenar comme une de ses œuvres et comme la plus soigneusement préparée.
Pour revenir au film, Kobayashi décide avec Harakiri d'être plus concentré sur l'aspect artistique que sur l'aspect philosophique que l'on retrouve en majorité dans les œuvres japonaises sans que cela ne lui pose problème pour se hisser parmi les œuvres majeures du cinéma japonais !
Ce qui est assez ironique, est le fait que le film a un problème dû à une période de paix, alors que Kobayashi est un réalisateur antiguerre !
De plus, ce problème est accentué par le fait que les clans de samurai encourageaient les ronins (un samurai sans maître) à se faire seppuku dans leurs maisons en leur donnant l'aumône et en étant aux petits soins afin d'être félicité par le Shogun Iemitsu Tokugawa (qui fut le responsable des réformes concernant la politique d'isolement, l'affaiblissement des Daimyos et de la lutte contre les catholiques), incarnant la dégradation de la moralité.
Mon passage préféré est sans conteste, celui où Tsugomo se venge pour le mauvais traitement des trois hommes du clan Li envers Chijiwa en leur coupant le chignon, déshonneur qui équivaut à la mort !
En particulier le travelling dans le cimetière avec Omodaka qui me laisse toujours de marbre devant le défi technique et le fait que sans steady cam (dont les premières apparitions peuvent être remarquées dans des films comme Shining de Stanley Kubrick) et sans hélicoptère, il utilise un Dolly (un chariot sur rails où on pose une caméra), mais il ne va pas le poser sur un arbre, alors si quelqu'un sait, je suis tout ouïe.
Pareil pour le plan où Tsugomo descend les marches, et où on alterne entre un plan sur ses pieds montrant sa dextérité et un plan large qui a l'air d'être fait sur une grue, tout ça avec une grande complexité, l'exigence dans le raccord entre les deux plans est juste dingue !
Mon deuxième passage préféré est celui où Chijiwa doit se faire seppuku, cette scène a autant d'impact, car Kobayashi brise la symétrie de sa réal lors de cette scène, pour briser la perfection de la cérémonie et de la réalisation avec un sound design au shamisen absolument fantastique permettant de marquer au fer rouge, sans parler du jeu d'Akira Ishihama !
Comme vous pouvez le deviner au vu des quelques exemples cités, la réalisation de Kobayashi a un aspect très symétrique, tout est calculé, perfectionné, que ce soit le positionnement de la caméra que celle des personnages, calée à la perfection dans le cadre rappelant beaucoup la patte Kubrickienne, s'éloignant donc de la patte plus émotionnelle de Kurosawa, avec un découpage faisant en sorte de jouer avec la perfection des traditions (toutes les personnes et objets doivent être parfaitement positionnés) pour se l'approprier dans son cinéma pour mieux marquer lors des moments où Kobayashi brise la symétrie. On remarque aussi que lors des derniers moments du film, la symétrie devient plus rapprochée permettant de se sentir dans un espace claustrophobique là où le zen dominait pour renforcer la catharsis.
Le mouvement est aussi très important dans ce film, alternant les travellings avant et arrière, de côté ou de haut en bas au bon moment pour gérer le rythme sans jamais qu'il y ait trop de dialogues ou de scènes d'action ou encore de transitions !
Dans ces cadres, on peut aussi voir lors du moment où Tsugomo devient vendeur de parapluies, un plan où on ne peut le distinguer qu'à l'arrière des lignes du parapluie, comme pour nous dire que Tsugomo est coincé par sa profession, alors qu'il était un vaillant samurai autrefois ... au fur et à mesure d'autres plans laisseront Tsugomo derrière des ficelles pour renforcer l'enfermement qui se fait davantage sentir jusqu'à la naissance de Kingo.
La BO fut composée par Toru Takemitsu, chef de file de la musique classique japonaise, il compose ici des morceaux au shamisen dans la tradition Japonaise (si vous souhaitez en savoir plus, je vous conseille le film Nitaboh) en accordance totale avec les moments, par contre comme beaucoup de musique japonaise de l'époque, il n'y a pas de mélodie, il s'agit de musique de méditation ou de travail !
Toru Takemitsu en grand passionné de musique française dont Erik Satie et Claude Debussy, fera en sorte dans ces projets solos de créer une universalisation de toutes les cultures sans réelles démarcations entre elles, mais dans ce film, cela n'est pas le cas, ce qui est un bon point.
Concernant les acteurs, j'ai déjà félicité Akira Ishihama, l'acteur de Chijiwa, alors passons à Tatsuya Nakadai, qui marche sur l'eau alternant avec une rare justesse, un jeu léger et drôle avec un jeu sérieux, stoïque telle une bête sur le point de sauter sur sa proie !
Le reste du casting est dirigé à merveille avec des positionnements dans l'espace à tomber par terre !
Pour conclure, ce film est juste une énorme claque dans la figure, une remise en cause du code du bushido digne de celle de Musashi Miyamoto avec le Traité des Cinq Roues !