En quelques lignes :
Un ronin se présente auprès de l’intendant d’un clan puissant pour demander la permission de se livrer dans sa demeure à un suicide rituel, le hara-kiri (ou seppuku). Lorsque l’intendant le prévient qu’il a récemment contraint un autre ronin qui avait voulu l’apitoyer par cette requête à mettre fin à ses jours, son interlocuteur lui promet qu’il ira jusqu’au bout, à condition qu’on écoute d’abord son histoire.
Et en un peu plus :
Tout comme le protagoniste de son chef-d’œuvre, Masaki Kobayashi est un homme d’une inflexible grandeur, que révoltent l’injustice et l’hypocrisie.
Enrôlé de force dans l’armée impériale et expédié en Mandchourie, cet ancien étudiant en philosophie refuse obstinément de grader, préférant rester simple soldat plutôt que de rejoindre la clique d’officiers va-t-en-guerre et passéistes qui précipiteront le Japon dans la seconde guerre mondiale.
Devenu réalisateur après sa libération des camps de prisonniers américains, Kobayashi s’emploie rapidement à dénoncer l’autoritarisme et les dysfonctionnements de la société japonaise au travers de ses œuvres, lesquelles sont parfois censurées.
Avec Seppuku, il semble renoncer à sa vivisection du monde contemporain en tournant son premier jidai-geki. L’action de ce film historique se déroule au début de l’époque d’Edo. Les bouleversements politiques de cette période jettent sur les routes de nombreux ronins, anciens samurais que leurs maîtres tombés en disgrâce ne peuvent plus entretenir. Certains d’entre eux, réduits à la misère, font mine de vouloir mettre fin à leurs jours pour obtenir une aumône ou un travail auprès des clans favorisés par le pouvoir.
Le protagoniste de Seppuku, interprété par le formidable Tatsuya Nakadai, est soupçonné d’une telle manœuvre. S’ouvre alors un récit implacable à la construction exemplaire, dans lequel Kobayashi met en jeu deux concepts fondamentaux de la pensée nippone. D’une part, le giri, l’obligation de l’individu envers son seigneur et son clan, la conscience du poids des relations sociales, qu’on ne peut ignorer sans déshonneur. D’autre part, le ninjo, l’empathie, le sentiment, qu’on ne peut ignorer sans se dessécher et perdre son humanité.
Ce que Kobayashi condamne ici sans appel, c’est l’impassible cruauté de ceux qui sont au pouvoir et qui se servent de la tradition et de la hiérarchie pour écraser les autres, plus soucieux des apparences que d’appliquer eux-mêmes les hautes exigences qu’ils défendent.
Ce tort n’est pas seulement celui des laquais du shogun Tokugawa. C’est également celui des zaibatsu, les grandes entreprises japonaises de l’après-guerre, dont les exigences de dévotion et de fidélité rappellent celle des seigneurs féodaux.
Toute ressemblance avec des événements ou des pratiques contemporaines ne serait, bien sûr, que pure coïncidence.