Bas de game.
Hardcore Henry est un film entièrement tourné en caméra subjective : les prises de vues sont celles du personnage principal, et le spectateur a la sensation de l’incarner. Oui, et donc ? On court,...
le 22 juil. 2016
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On va faire simple : HH est fun. Juste fun. A-t-on besoin d'arguments supplémentaires ? Dans le monde compliqué des adultes, peut-être, oui, sans doute, d'où cette critique, mais parfois, les mots semblent bien superflus... surtout quand il s'agit d'un film comme celui-ci.
Insistons sur le fun et le superflu des mots, c'est-à-dire des phrases portant une réflexion : si vous lancez le DVD de HH - une bonne idée, au passage - et appuyez sur le bouton lecture dans l'idée d'entretenir vos neurones, ça ne marchera pas vraiment. En tout cas, ça marchera moins bien. Pour vous aider à comprendre, le nouveau venu moscovite Ilya Naishuller, réalisateur tout-terrain et coscénariste du film, a branlé HH à partir d'un court-métrage précédemment réalisé, le clip The Stampede de son groupe de rock bourrin Biting Elbows, qui exploitait la même technique de filmage à la première personne, se limitait à un enchainement de parkour et de boum-boum, et s'éclatait surtout dans le... « hardcore », mais c'était un peu l'idée. Avec HH, il n'avait qu'à écrire une petite histoire « hardcore » là-dessus, et c'est ce qu'il a fait sans trop se fouler, et ça se sent un peu. Chaque élément du scénario est un prétexte à nous chiader une scène-choc où Henry brisera des nuques, mitraillera des pléthores de molosses anonymes, traversera des jeeps à moto, sautera un peu partout, etc., le tout dans un concert de gore aussi absurde que (généralement) très fun. Les incohérences et autres facilités scénaristiques, connus outre-Atlantique sous le nom de « plot holes », ne manquent donc pas (d'où le méchant Akan a-t-il tiré ses pouvoirs télékinétiques, par exemple ?)… contrairement à la nuance, prenons pour exemple le bad guy Akan, encore lui, caricature albinos de méchant sardonique qui en fait des tonnes tellement il est méchant, joué par un sosie jeune de Brad Dourif sans doute sous influence de produits illicites. Le personnage de Henry ne prononçant pas un mot, il ne faudra pas non plus compter sur lui pour tempérer un peu ce n'importe quoi, ni sur celui d'Estelle (jouée par l'adorable Haley Bennett, avec ses yeux bridés sur ses joues de rousse), limité à la fonction de damsel-in-distress. Le seul personnage un tant soit peu « vivant », c'est Jimmy, le scientifique aux milles clones aussi désopilant qu'increvable, mais là encore, la performance de l'inénarrable Sharlto Copley ne manquera pas de cliver, exaspérant les uns, réjouissant les autres. Quant à la fin, c'est une boucherie sommaire qui parait sous certains aspects bien bâclée, en dépit d'un twist amusant. En d'autres termes, de loin, HH ressemble à une version première personne et semi-vidéo-ludique d'Hyper Tension (Crank) avec Jason Statham, en encore plus sommairement écrit, au point de faire passer ce dernier pour du David Mamet des grandes heures.
Seulement, voilà : on a bien dit « SEMBLE ». Parce que la boucherie finale n'est autre qu'une boucherie… ben, de fin de jeu, face à l'inévitable boss… final, dans un film... hommage au genre FPS (first-person shooter). Alors, peut-on reprocher à un film de faire ce pour quoi il a été conçu ? Et cette question vaut pour HH dans son ensemble. Reproche-t-on à un Call of Duty ou à un Far Cry de ne pas proposer un scénario de grande qualité ? Certes, certains le font. Mais on ne peut exiger un Mass Effect, un Bioshock ou un Deux Ex à tous les coins de rue, et nombre de gamers ne jouent « que » pour la sensation, en l'occurrence, la sensation du carnage et du parkour, un peu à la Dying Light ! HH est un enchainement de niveaux avec ses ennemis qui ne servent qu'à crever et ses sous-boss, ou simili-sous-boss, qui servent à donner un peu de fil à retordre au spectateur. Un « gamer » difficile pourra arguer qu'il préfère les jeux vidéo… auxquels il peut jouer. À cela, nous ne pourrons rien répondre. Mais combien d'entre nous se sont au moins une fois amusés à suivre un ami dans sa progression, juste se contenter de le suivre ? L'auteur de ces lignes l'a déjà fait au moins deux fois de mémoire, avec un Metal Gear Solid et un Resident Evil. Tant que c'est joli à voir, rythmé, et pas trop répétitif, c'est une proposition de divertissement tout à fait honorable. HH est un poil répétitif, c'est indéniable, mais il limite la casse avec son humour trash et surtout sa courte durée (90 minutes). HH est-il rythmé ? Hell, yes. HH est-il joli à voir ? Aux deux-tiers, on va dire; le premier tiers étant littéralement bluffant, le second un peu foutraque mais le chef op aimerait bien vous y voir, et le troisième étant franchement hideux (mention au pré-climax nocturne dans l'immeuble d'Akan, comme du gros rouge qui tâche). Oui-oui. Sur JV.com, les graphismes de HH auraient sans doute eu entre un solide 13 et petit 14/20, selon l'humeur du critique.
Seulement, voilà, bis : un chiffre : deux millions. Deux millions de budget. On dit qu'on ne doit juger un film qu'à partir du résultat à l'écran, mais dudes, come on. Ce truc est parti de tellement loin, et de si bas, qu'on ne peut honnêtement qu'apprécier son impressionnante maîtrise technique, son sens prodigieux de la débrouille, et son énergie d'adolescent en rut. Insistons sur le terme débrouille : HH traverse une ville entière en bastonnant à tout-va, troue des hectomètres carrés de mobilier, crève des centaines de molosses masqués avec les hectolitres de sang et de tripes qui vont avec (sans doute interprétés par le même vivier d'une vingtaine de gars, mais quand même !), crame plein de trucs, nous sort un tank et une poursuite-carnage sur une nationale, s'autorise même une chute libre, et n'a, dans l'ensemble, que rarement l'air cheap… pour deux millions de dollars. Pas d'euros, hein. Rien que pour ça, on adhère.
Les films tournés à la première personne, de La Femme défendue à Enter The Void, ou en found-footage, du Projet Blair Witch à Cloverfield, ça existe depuis un bail. Mais jamais en avait-on fait un avec une dégaine de FPS au croisement de Duke Nukem (pour le côté trashouille-bourrin), Call of Duty (pour la partie modern warfare) et Mirror's Edge (pour le parkour). Oui, sans la forme à la première personne, tout débrouillard qu'il fût, HH, avec son histoire qu'on croirait écrite par un petit nerd un brin autiste et son interprétation approximative, n'aurait sans doute été qu'une énième série b de SF destinée à amuser les amateurs de « direct-to-video » du samedi soir. Et encore ! L'aventure fonctionnerait malgré tout un minimum, avec son sens du rebondissement (les premières réapparitions de Jimmy sont de grands moments de WTF), et… on y revient, Jimmy, ainsi son interprète Sharlto Copley. Autant dire que nous faisons partie des pro, et certainement pas par fanboyisme (il était absolument catastrophique dans Elysium). L'acteur sud-africain et sa dégaine si singulière explosent littéralement dans ce rôle, ressort comique mettant l'ambiance dans les pires moments. Et puis, il y a l'inventivité acnéique du récit qui, couplée au tempo susmentionné, maintient les sens alertes. Pour tout dire, si Hardcore Henry ne manque pas de plantages, l'affreux intermède musical du personnage de Jimmy, qui donne à Copley la triste occasion de se ridiculiser pendant deux minutes, est le seul moment VRAIMENT, FONDAMENTALEMENT mauvais du film.
DONC ! En plus d'être un pop-corneur ouvert, il suffit de deux choses pour apprécier le film d'Iliya Naishuller : 1) ne pas avoir de problème avec l'idée de suivre la partie de FPS d'un ami, 2) ne pas tourner de l'oeil dès que la caméra commence à s'agiter plus de trois secondes (on n'est pas des baltringues, les mecs, oh), et 3) tolérer les massacres bien graphiques et l'étalage de lolos bien complaisants (aaah, cette petite troupe de call girls russes au chevet de la caméra !), parce que le film porte bien son titre, un peu pour le pire, mais plus souvent pour le meilleur (fuck les chouinements pudiques). Si ces trois conditions sont réunies, pressez donc le bouton lecture, et entrez dans cette danse : vous prendrez votre pied. 7/10, du coup, en ce qui nous concerne. Même si c'est exagéré. Rien à foutre. Avec Haley Bennett dans une scène de cul, ce qui, oserons-nous affirmer, se serait parfaitement incorporé au bordel ambiant (WHYYYY), nous lui aurions même mis un 8 parfaitement indécent. C'est dit.
Note annexe 1 : à l'origine, le titre du film devait simplement être Hardcore ; il a dû être changé pour d'obscures raisons légales. Certains regrettent ce changement. Trouvent que le Henry est de trop. Que Hardcore tout court, ça aurait été tellement original, comme titre. Comment dire ? Non.
Note annexe 2 : HH est doté d'une excellente musique (Don't stop me now de Queen, Let me down easy des Stranglers, Down by the water by The Drums...), mais c'est Ilya Naishuller himself, avec son groupe d'indie rock moscovite Biting Elbows (...), remporte le prix du morceau le plus mémorable : For The Kill, que l'on entend durant le générique de fin. Électrique et punchy comme le film, doté d'un refrain galvanisant dans la fureur justicière, c'est du bon gros son pas très subtil, mais qui te rendre dans la tête pour ne plus en sortir.
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Créée
le 13 août 2016
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