Nous avons là un film assez inclassable qui a résolument opté pour le mélange des genres. Entre comédie, fantastique, film sentimental, voire horreur (à cause des zombies), on navigue en mer incertaine. Je me suis rendu à la projection avec quelques appréhensions car le résumé me laissait entendre que nous allions assister à un film dégoulinant de bonnes intentions, une œuvre délivrant un message oiseux selon lequel il ne faudrait pas tuer les zombies mais les aimer. Bien heureusement, "Harold’s Going Stiff" s’est avéré bien plus subtil et intéressant.

A l’intérieur du film sont intégrés des extraits d’un documentaire consacré à une maladie nouvelle, la CRS (crise de raideur subite), une sorte d’arthrose aggravée qui ne touche que les hommes, raidit progressivement le corps puis influe sur le mental et le caractère avant, au stade terminal, de les transformer en véritables zombies, dont un scientifique nous apprend qu’ils sont « dangereux pour eux-mêmes et pour leur entourage ». Pour ces cas les plus extrêmes, une autorisation a été donnée à des milices privées d’intervenir pour protéger la population, c’est-à-dire, plus prosaïquement, de pourchasser les zombies à travers les champs et de les tabasser à coups de battes de base-ball. Un vieil homme, Harold, intéresse particulièrement les chercheurs car il est le premier à avoir été touché par cette maladie et les symptômes semblent chez lui se développer plus lentement, il a seulement l’apparence d’un paisible vieillard un peu handicapé dans certains de ses mouvements mais encore en possession de ses moyens. L’hôpital envoie Penny, une infirmière à domicile, pour lui prodiguer des massages en vue de l’assouplir un peu et pour l’aider dans ses tâches quotidiennes. Une amitié va naître peu à peu entre ces deux personnages attachants, servis par un duo d’acteurs donnant une réelle dimension humaine à leur rôle.

Quiconque a travaillé dans le domaine de l’aide à domicile ou des maisons de retraite sera frappé par le réalisme du propos, tant dans le jeu d’Harold que dans certains symptômes imaginés par le scénario. On pense à l’arthrose bien sûr mais également à la maladie d’Alzheimer : Harold avoue qu’il sent qu’il perd parfois la mémoire, qu’il se réveille le matin sans savoir où il est, et il commet de nombreuses gaffes involontaires comme ranger ses caleçons dans le frigo ou ajouter du produit vaisselle dans son thé… Cette crise de raideur subite n’est-elle pas au fond qu’une métaphore fantastique pour évoquer la vieillesse ordinaire et son cortège de troubles dégénératifs ?

L’humour a aussi sa place dans ce film, on le retrouve à la fois dans la démarche complètement caricaturale et confinant au clownesque de certains zombies ou dans les expériences faites sur des souris de laboratoire, qui se zombifient elles aussi et finissent raides et figées comme rarement ne le fut une souris. Ironie également lorsqu’on s’aperçoit que le mal viendrait d’une composante présente dans une saucisse industrielle retirée de la vente mais toujours disponible sur internet, une saucisse générant de la dépendance chez ses plus gros consommateurs et provoquant des troubles du sommeil. On aura même droit, par l’entremise du documentaire dans le film, à un entretien avec un des consommateurs addict et un spot de publicité pour les fameuses saucisses.

Dans un environnement très british, parmi des maisonnettes au milieu des cottages, au long d’un quotidien paisible rythmé par l’heure du thé, "Harold’s Going Stiff" fait preuve de beaucoup d’empathie sans tomber dans le sentimentalisme. Entre le vieillard bienveillant mais affaibli et l’infirmière altruiste en manque d’affection, le récit qui se noue – interrompu seulement par les cavalcades grotesques de miliciens anti-zombies finalement plus bêtes que méchants – fait la part belle aux qualités humaines les plus fondamentales. Où comment partir d’une intrigue à base d’arthrose et de zombies pour réaliser un film simplement humaniste.
David_L_Epée
6
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le 17 mai 2014

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