« Harry Potter et la coupe de feu » est le quatrième film de la saga, et c’est sans doute celui qui respecte le moins l’intrigue de l’œuvre d’origine, accusant parfois des changements maladroits et grossiers, et quelques fois nécessaires, afin que le film ne dure pas 6 heures. Car si l’on est tout à fait honnête, le livre, qui est très complet, aurait été difficilement adaptable au cinéma si l’on avait conservé tous ces aspects scénaristiques. Des choix étaient nécessaires, mais la meilleure solution aurait sans doute était de couper le film en deux parties, comme cela a été fait avec « Les reliques de la mort ».
Cette fois-ci, c’est Mike Newell qui prend les commandes de la réalisation, j’aurais presque envie de dire, un illustre inconnu (en tout cas ses films ne nous auront pas marqués).
Voici les changements entre le film et le livre qui m’ont le plus embêté :
Premièrement, un aspect des plus étonnants, l’identité du coupable est révélée dès les premières minutes de film, lors de la première scène (celle du gardien qui se fait tuer par Voldemort). Cette révélation ampute une très large partie de l’intrigue, mais on peut la concevoir, car Barty Croupton Junior, n’est pas très présent, tout le long de l’histoire, et l’impact de la révélation de son identité n’aurait pas été très fort en termes de rebondissement.
À l’instar des trois précédents films, celui-ci ne débute pas à Privet Drive, et nous ne découvrons pas ce que deviennent les Dursley (ni les nouvelles misères qu’ils font subir au pauvre Harry). Dommage, cela aurait été une sorte de gimmick intéressant sur le long terme. Il faut tout de même préciser que durant ce passage dans le livre, il ne se passe pas grand-chose, excepté la cicatrice d’Harry qui lui fait mal, mais cela n’implique pas les Dursley. Ce passage manquait donc d’intérêt.
Ludo Verpey, l’extravagant ministre des Jeux et Sports Magiques n’apparaitras jamais dans le film, et la seule chose que l’on regrettera ce sera sa dimension comique, car le personnage est loin d’être indispensable à la compréhension de l’intrigue (il faisait un bon suspect, mais le coupable est déjà connue).
Le déroulement du match de la coupe du monde de Quidditch disparait (ce qui peut se comprendre, mais cela demeure tout de même très frustrant). Plus grave cette fois-ci, un personnage très intéressant, censé se présentait à ce moment-là, disparait aussi. Il s’agit de Winky, l’elfe de maison de Croupton. Elle était une suspecte de plus pour l’intrigue (mais, une fois de plus, le coupable est déjà connu, est Winky n’a plus de raison d’exister dans ce film). Cette omission a du mal à passer, je dois le dire.
Le film nous montre Barty Croupton Junior invoquer la marque des ténèbres après la coupe du monde de Quidditch, ni plus ni moins. Le travail est mâché, ainsi nous connaissons le coupable. L’intrigue pour le téléspectateur est désormais de savoir où il se cache. Inutile de vous dire que dans le livre les événements sont très différents. Harry perd sa baguette, Winky la retrouve, et les enquêteurs découvrent que c’est justement cette baguette qui a servi à invoquer la marque des Ténèbres. Croupton congédie son elfe de maison, principal suspect à ce stade. Winky sera par la suite "employé" par Poudlard, mais elle plongera dans une profonde dépression. Je vous laisse vous désoler de ce raccourci abominable.
Lors de son séjour au terrier, Harry apprend lors d’une conversation entre Arthur Weasley et le père de Cedric Diggory, dont la tête apparait dans le feu de cheminée, les mésaventures de Maugrey Fol-Œil, qui semble être un personnage absolument paranoïaque. Ce passage avait un intérêt pour l’intrigue initiale, mais aucune pour le film, vu la manière dont elle est abordée.
Lors de l’arrivée des élèves à Poudlard, nous découvrons à quoi ressemble Maugrey Fol-Œil, et les lecteurs ne pourront qu’être déçus par son apparence, car dans le livre il est décrit comme entièrement défiguré. Son aspect ne correspond pas vraiment à ce à quoi nous nous attendions.
Les cours qui sont décrits dans le livre sont intégralement absents du film, à croire que les enfants ne sont plus à l’école, mais en colonie de vacances. Ainsi nous ne découvrons pas à quoi ressemblent les Bubobulb en cours de Botanique et les Scroutts à Pétard en cour de Soin aux Créatures Magiques (très regrettable). Aucune prédiction de mort iminente dans le cours de Divination, d’ailleurs le professeur Trelawney est cette fois-ci tout à fait absente du casting (victime de son manque d’importance dans l’opus).
La Société d’Aide à la Libération des Elfes promus par Hermione, qui a pris conscience de l’horreur de cette situation, n’a aucune place dans le film, ce qui se comprend (vu son manque d'impacte sur les événements). De ce fait, Hermione passe pour un personnage secondaire tant son rôle est effacé.
Fol-Œil teste le sortilège de l’Impérium (qui permet de contrôler ses victimes) sur les élèves. Harry parvient à y résister. Aucune trace de cette scène dans le film.
Les élèves de Durmstrang et de Beauxbâtons se donnent en spectacle en arrivant à Poudlard, ce qui ressemble à une initiative ridicule du film (surtout en ce qui concerne les jeunes filles de Beauxbâtons qui passent davantage pour des catins que pour des élèves).
Dumbledore perd son sang-froid lorsque le nom de Harry Potter sort de la coupe de feu. Tous les fans de la saga littéraire vous diront que cette scène est absurde. Cela va à l’encontre de l’identité du professeur. Il ne perdrait pas son calme pour si peu de chose (même si cela implique du danger pour Harry). Voici donc, non pas une maladresse, mais une grossière erreur. Dumbledord est seulement censé se montrer distant. On a ici l'impression qu'il déteste Harry, à l'image de Rogue.
Lors de la première épreuve, le dragon détruit ses chaines et s’envole à la poursuite de Harry. Cette scène n’existe pas dans le livre, mais à l’avantage d’exister dans le film. Un ajout bienvenu, tant le passage est épique.
Lors de la seconde épreuve, c’est Neville Londubat qui donne la branchiflore à Harry, mais dans le livre elle lui est donnée par Dobby.
Barty Croupton est retrouvé mort dans le film. Ce n’est pas le cas dans le livre. L’homme disparait et c’est son fils qui avoue le parricide à la fin de l’histoire.
Dans la troisième épreuve, le labyrinthe renferme de nombreuses créatures, comme les épouvantas et même un sphinx par exemple, dans le film le labyrinthe est vide.
À la fin de l’histoire, Harry est censé être à l’infirmerie avec les professeurs qui débriefent les événements. Cette scène semble importante, car elle réunit Harry, Dumbledore, Rogue et… Sirius Black. On apprend donc que Rogue est aussi dans la confession de l’innocence du parrain de Harry. Un détail important pour les prochains opus. Au même moment, le ministre de la magie refuse de croire au retour de Voldemort, ce qui met en place la future intrigue du cinquième épisode. Mais tous ces événements sont incroyablement absents du film. Incompréhension totale.
Quelques petites scènes qui donnent du piquant au livre ont été sacrifiées aux bénéfices du tournoi des Trois Sorciers, qui prend toute la place dans ce film (et ça se comprend). Ainsi Hermione se voit victime d’un maléfice jeté par Malefoy, ses dents grandissent et Rogue l’humilie. Olivander (le vendeur de baguettes magiques) vient officier en temps que contrôleur de baguettes avant la première épreuve. Sirius et Harry échangent des contacts réguliers. Karkaroff s’enfuit du château lors du retour de Voldemort. Olympe, la directrice de Beauxbâtons, se fâche contre Hagrid, lorsque ce dernier lui demande de quel parent elle tire ses origines de géants. Rita Skeeter fait paraitre plusieurs articles calomnieux et mensonger sur Harry et son entourage, d’ailleurs il s’agit ici d’une petite intrigue secondaire, car Skeeter à l’interdiction de pénétrer à Poudlard et les enfants s’interrogent sur la façon dont elle se procure ses infos (il s’agit en réalité d’une Animagi qui se transforme en cafard).
Autant dire que les changements ne manquent pas dans cette version cinéma de l’histoire. Mais dans l’ensemble, le film reste très bon. Les effets spéciaux sont réussis, et le gros de l’intrigue reste compréhensif. Elle a justement était épuré pour devenir plus abordable.
En ce qui concerne les acteurs, Daniel Radcliffe (Harry Potter) est aussi mauvais que d’ordinaire. Rupert Grint (Ron) est plus convaincant. Emma Watson (Hermione) a vu son rôle amputé de son intrigue (car elle dépendait de deux personnages absents du film, Dobby et Winky), le réalisateur se rabat donc sur ses histoires de cœurs pour faire exister le personnage, ce qui a l’inconvénient de dépeindre une Hermione un peu cucul la praline. Mais en même temps, les personnages sont adolescents, et l’amour les rend un peu idiots. Michael Gambon donne vie à une vision de Dumbledore raté. Il ne devrait pas être aussi impulsif et colérique, mais froid et distant. Cela est une erreur de directive que l’on doit au réalisateur qui a très mal cerné le personnage. Le talent de l'acteur n'y est pour rien. Je regrette que Maggie Smith et Alan Rickman (McGonagall et Rogue) ne fassent que de la figuration, tant j’apprécie ces acteurs. Robert Pattinson est un Cédric Diggory très convaincant. On doit reconnaitre que c’est un très bon acteur, toutes ces scènes sont réussies (excepter peut-être son entrée ridicule, lorsqu’il tombe du ciel, mais cela, une fois de plus, est une bêtise de la réalisation). Brendan Gleeson (Fol-Œil) est très bon dans son rôle, dommage que l’apparence de son personnage soit autant en décalage avec la description faite dans le livre. Enfin, Ralph Fiennes, qui incarne Lord Voldemort, est une merveille du casting (le maquillage y est aussi pour quelque chose). Le Seigneur des Ténèbres coule de source dans son approche. Il est parfait.
Patrick Doyle prend la direction du secteur musique, et nous propose une bande-son convenable, qui ne se démarque pas véritablement des autres films, mais qui est bonne en soi.
Mike Newell n’aura pas fait de miracle. Disons-le, ces choix d’adaptation scénaristiques n’étaient pas des plus judicieux, mais l’œuvre était peut-être la plus difficile à adapter, car l’intrigue est écrasée par l’importance du tournoi des trois sorciers (même si cela ne se ressent pas dans le livre). Ce quatrième opus se démarque par les épreuves du tournoi, l’enquête est reléguée au second plan, et c’est un parti-pris que l’on ne constate pas dans le livre. Le format étant ce qu’il est, des choix étaient inévitables. Vous trouverez peut-être ma note en décalage avec ma critique, tant il y a beaucoup de points que je relève. C'est uniquement parce que je suis conscient que les changements sont inévitables sur une oeuvre de cette envergure et que le résultat est véritablement honorable, même s'il n'est pas parfait. En conclusion, le film est moins bon que les précédents et que les suivants, mais il est loin d’être honteux. On passe un excellent moment et l’univers qui ne cesse de s’agrandir ne peut que nous contenter de plaisir.