Un documentaire qui s'inscrit dans les pas du Maître de l'animation japonaise, ce n'est pas une nouveauté en soi, même au cinéma. Il n'y a qu'à se souvenir de Never-Ending Man. Ainsi que de 10 Ans avec Hayao Miyazaki, cette fois-ci en format sériel.
A chaque fois, Kaku Arakawa y capturait toute la magie de l'artiste et l'âme du Studio Ghibli, tout en s'inscrivant dans un quotidien de chaque instant, comme autant de micro-pastilles d'une vie aussi bien remplie qu'étonnamment simple.
Hayao Miyazaki et le Héron, ce sera à peu près la même chose au cinéma aujourd'hui.
Soit un émerveillement constant : celui de voir le Maître au travail presque neuf années durant, dans toute son intransigeance et son exigence qualitative. Bien qu'un peu moins acerbe et tranchant. Se fendant même à l'occasion d'un ou deux compliments.
Première originalité pour celui qui n'hésitait pourtant pas, dans les bonus du DVD des Contes de Terremer, à dénigrer le travail de son fils Goro, dont La Colline aux Coquelicots ne trouvera pas plus grâce à ses yeux. Ou, dans ceux d' Arrietty : Le Petit Monde des Chapardeurs, à prendre de haut et à critiquer vivement un Hiromasa Yonebayashi qui n'avait pas d'autre choix que celui de se confondre en excuses.
Et il y a, à l'écran, cette incroyable force de travail. Constante et totalement énergivore au service d'un énième prétendu dernier film, sur lequel Hayao Miyazaki et Le Héron projette un tout autre sens, fortement autobiographique, que celui plaqué par la presse spécialisée et le cinéphile averti.
Mais ce nouveau documentaire dévoile l'artiste sous deux nouveaux angles.
L'un serait presque inquiétant, dès lors que Miyazaki doute, semble avoir beaucoup de mal à cerner sa vision et se demande s'il pourra terminer son dernier effort. D'autant plus que son âge se fait désormais sentir : trous de mémoire, maladresses, pertes de repère, insomnies... Autant de symptômes venant rappeler que le mythe de l'animation japonaise est finalement, malgré tout son génie, un homme comme les autres.
Et si son imagination est toujours aussi fertile, Miyazaki avoue parfois, dans une sincérité des plus touchantes, qu'il a parfois son « cerveau cassé », tandis que revenir des voyages dans ses mondes merveilleux s'avère de plus en plus difficile. Au point, parfois, de ne plus trop faire la différence entre réalité et fiction, comme s'il entrait dans une sorte de mysticisme magique.
Et même si le réalisateur est parfois encore décrit comme un sale garnement capricieux, ou encore comme un tout autre homme au contact d'élèves d'une école primaire, le sentiment de fragilité qui se dégage parfois du documentaire pourra rendre un peu triste et inquiet.
L'autre aspect que Hayao Miyazaki et le Héron met en lumière, c'est ce ressenti lié à la fin d'un certain âge d'or et le bout d'un chemin partagé désormais atteint. Car Miyazaki voit peu à peu beaucoup de ses compagnons de route tomber. L'immense Isao Takahata en tête, rappelant la relation d'intime amitié ambiguë entre ces deux-là. Et tandis que Miyazaki jure ses grands dieux, d'un air bravache, qu'il n'y a pas à le pleurer, les images de la cérémonie d'adieux le font mentir, dans une émotion palpable qui rend l'homme tout simplement désarmant.
Il y a dans Hayao Miyazaki comme une aura funèbre et des confessions déstabilisantes, comme celle où il se décrit comme un esclave consentant de son univers. Mais alors que le début du documentaire met en avant son énième désir de retraite, la fin de l'aventure rebondit avec une énergie retrouvée et une résolution qui fait chaud au cœur de l'amoureux de l'artiste et du Studio Ghibli : celle de continuer à travailler d'arrache-pied sans se plaindre pour réussir une fois encore à nous émerveiller. Ainsi, plus que jamais, l'artiste s'impose encore une fois comme un insatiable Never-Ending Man qui finira sans aucun doute par nous enterrer tous...
Behind_the_Mask, qui voudrait avoir un cerveau aussi rempli que celui de Miyazaki.