Ermites de Sisyphe.
Pièce maîtresse de l’œuvre de Michael Mann et du cinéma des années 90, Heat est à la fois un concentré de tous ses talents et une œuvre à l’amplitude unique. Expansion du déjà prometteur L.A...
le 11 déc. 2023
190 j'aime
16
Un classique, connu, reconnu, le film légendaire qui a réuni les encore plus légendaires De Niro & Pacino. Avant celui-là, j’avais tout de même vu 4 films de Mann, mais que des œuvres postérieures à Heat (en fait, tous ses films postérieurs à Heat excepté Ali), je pensais donc cerner son style très reconnaissable, à la fois anticonformiste et rigoureux, éthéré et immédiat. Dans Heat, la mise en scène est admirable, c’est évident, mais beaucoup plus discrète, nettement moins expérimentale, comme si Mann se mettait au service de ses acteurs, dans une démarche d’une humilité remarquable. Son film est grand, ample, extrêmement violent et incroyablement doux. Les premiers plans sont d’une grande douceur, c’est le calme avant la tempête. Le premier braquage est à l’inverse d’une violence terrifiante, du fait des meurtres bien sûr, qui prennent aux tripes, mais également des masques des braqueurs, inhumains, d’une blancheur démoniaque.
Mais ce sont bien des hommes derrière les masques, et tout le film le dit. Heat est un film d’action mais c’est aussi – et peut-être avant tout – un drame. Ce qui frappe dans le film, ce sont les personnages, Heat est un film d’hommes, pas au sens « un film de mâles » avec braquages, fusillades, poursuites en voiture, et échanges musclés, mais au sens « un film d’humains ». Car les femmes aussi ont leur place, elles n’ont pas de flingues mais elles sont toujours là, elles habitent les cœurs des hommes et inversement. Les fusillades, malgré leur démesure (et la fusillade du milieu du film est absolument titanesque), gardent toujours une dimension humaine : les personnages y risquent leur vie, on a peur pour eux, et on a le cœur gros quand l’un d’entre eux périt. L’histoire de ce repris de justice devenu cuisinier, obligé de se plier aux directives de son boss alors qu’il est deux fois plus imposant que lui, est exemplairement bouleversante, malgré le fait qu’elle n’occupe que 10 minutes sur l’ensemble des 3 heures du film. Et puis bien sûr, les trois couples principaux sont mémorables. Chacun dans une situation différente, ils sonnent tous justes, portés il est vrai par une interprétation remarquable. Evidemment De Niro et Pacino sont grands, mais tous les autres aussi !
Heat est à la fois très spectaculaire et réellement poignant, du début à la fin. L’œuvre est plastiquement moins forte que Miami Vice, mais elle comporte aussi sa part de visions : les lumières de L.A. la nuit, les hélicos parmi les buildings, l’obscurité des motorways… Les séquences d’action ne sont pas en reste, filmés comme un choc des titans, une guerre atomique en pleine ville. Mais avec une attention constante à l’humain, et la manière dont s’achève l’incroyable séquence centrale en est la parfaite illustration : Al Pacino a tiré, a-t-il touché la fillette prise en otage ? La question reste en suspens quelques secondes interminables, le temps de sentir le poids de la vie. Heat est terriblement vivant. Il y a bien sûr la phrase-fil rouge, le conseil du vieux gangster à son disciple De Niro : « N’aie rien que tu ne puisses quitter en 30 secondes si tu vois un flic au coin de la rue », censée dire à quel point être un gangster c’est ne plus être un homme ; mais tout le film dit le contraire. Les gangsters et les flics sont des hommes autant les uns que les autres et la mythique scène du café en est la preuve absolue. Comme le tout aussi mythique plan final.
Alors ça ne vaut pas White Heat de Walsh, ni The Big Heat de Lang, mais l’œuvre phare de Michael Mann est incontestablement un grand film. Et je finirai en faisant remarquer à quel point Al Pacino est drôle. De Niro est génial aussi bien sûr, mais Pacino c’est Pacino.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de Michael Mann
Créée
le 11 avr. 2014
Critique lue 624 fois
2 j'aime
1 commentaire
D'autres avis sur Heat
Pièce maîtresse de l’œuvre de Michael Mann et du cinéma des années 90, Heat est à la fois un concentré de tous ses talents et une œuvre à l’amplitude unique. Expansion du déjà prometteur L.A...
le 11 déc. 2023
190 j'aime
16
Au-delà de la nuit et plus loin que la mort, quand se mettent en forme des tensions familiales, amoureuses, professionnelles, il existe une ville noire et crépusculaire où l'on voit s'affronter deux...
Par
le 4 juil. 2023
93 j'aime
44
Force est de constater que revoir de bonnes vieilles amours mène souvent à la même conclusion, plutôt évidente me direz-vous, la psychologie des personnages de ces si beaux souvenirs est somme toute...
Par
le 1 avr. 2013
86 j'aime
15
Du même critique
On a là un film étrange. Etranges aussi les réactions des spectateurs, qui apparemment ne veulent y voir qu'une série B ratée, indigne du réalisateur de Blow Out, alors qu'il s'agit selon moi de l'un...
Par
le 8 mars 2014
14 j'aime
2
On a beaucoup glosé sur le dernier film de David Lynch. Il faut dire qu'il venait après le triomphe - tout à fait justifié - de Mulholland Drive, le film total forcément difficile à réitérer. Lynch...
Par
le 13 juil. 2023
14 j'aime
Peut-être qu'il faudrait arrêter de se poser tant de questions, et s'en remettre à ce que le film propose et qui n'a pas besoin d'être interprété : la circulation des corps dans l'espace et dans le...
Par
le 13 juil. 2023
11 j'aime
4