Godard revisite les grandes figures mythologiques. Pour ce film, c'est Amphitryon qui se confronte au monde moderne.
Dieu débarque sur la terre des hommes, il devra souffrir comme sans doute il n'a jamais souffert pour approcher la femme qu'il aime. Car oui pour un Dieu qui ne connait pas la pesanteur des sentiments, il est impossible de se rendre compte à quel point il est lourd de vivre et d'aimer. Incarné dans le personnage de Simon et confronté à l'amour indéfectible de sa femme, il finira par retourner à son immatérialité .
Et si l'intérêt de Godard dans ce film n'était que l'amour, mais un amour divin pour lequel on ne connait pas encore d'images, pas encore de mots, ni de sons, et en plus, si toutes les histoires d'amour étaient particulières, pas génériques comme nous le montre le cinéma habituellement, ne serait-ce pas alors la vie? Le réalisateur essaye d'introduire par le visible les choses qu'on ne dit pas car elles sont trop fragiles.
Mais justement, n'en dit-il pas trop? Car oui, les références et les mots de Godard sont remarquables, et comme des secousses viennent par moment se heurter à nos "désirs" de poésie, ce qui m'amène à m'interroger sur le médium même du cinéma. Il ne devrait pas être, d'après moi, un patchwork d'autres arts, Godard est un littéraire dans un genre dont le substratum principal ne devrait pas être le mot. Certes, il est un grand théoricien du cinéma mais il me semble rester trop attaché au langage, alors que proche de la vie, l'amour n'a pas besoin de discours pour apparaitre. Cela dit, "Hélas pour moi" est un très beau poème visuel qui m'a réjoui comme souvent les films de Godard, car sensible aux mots bien qu'en réfutant leur nécessités j'admire la manière dont le cinéma qu'il me montre me dit les choses.