Hellboy II : Les Légions d'or maudites par Adrien Beltoise

Trois ans après un premier volet très réussi qui s’imposait comme un film de super- héros intègre, riche, passionnant, fidèle et spectaculaire (rien que ça), Guillermo Del Toro remet le couvert avec le démon bad-ass dans une suite qui se pose comme supérieure a son aîné et totalement indispensable. D’une part parce qu’elle est l’avènement, a travers son imaginaire, d’années de fantasmes nourris par la pop culture (comics, littérature, jeu de rôle, jeux vidéo et bien sur cinéma) pour des geeks assoiffés de fantasy mais surtout parce qu’elle s’impose comme l’œuvre somme du génial Guillermo Del Toro, un cinéaste qui n’a cessé de nous surprendre a travers des oeuvres aussi diverses que  Blade II ou Le labyrinthe de Pan  et qui aujourd’hui, fait partie des réalisateurs les plus passionnants et intègres au monde (aux cotés de Sam Raimi et Peter Jackson). Un metteur en scène talentueux certes, mais avant tout un artiste sachant tout autant gérer des superproductions monstrueuses que ciseler des films plus personnels en s’investissant corps et âme du synopsis à la sortie du DVD.

En cela, la saga Hellboy dont il est l’instigateur essentiel sur grand écran, reflète parfaitement cette propension de Del Toro à naviguer entre cinéma d’auteur et blockbusters sans jamais enfermer ses productions dans un camp ou dans l’autre. Le clivage artistique étant la gangrène du cinéma contemporain. Cette faculté à créer, par l’intermédiaire de l’imaginaire et de thématiques récurrentes, des ponts entre grosses machines et cinéma plus intimiste, c’est un peu ce qu’on pourrait qualifier de patte Del Toro. Ca…et un milliard d’autres qualités qu’on peut attribuer au bonhomme et qui se retrouve au cœur de Hellboy II – Les légions d’or maudites, son film le plus complet a ce jour et qui synthétise (étrangement) l’oeuvre, juvénile mais paradoxalement aboutie, du cinéaste mexicain…

Plus riche, plus spectaculaire, plus concis et plus abouti que son prédécesseur, le film met les bouchées doubles pour nous laisser totalement vidé après deux heures de pur cinéma. A la fois suite mais également film totalement indépendant de son modèle (ralliant ainsi initiés ou non), Hellboy II – les légions d’or maudites  ne doit son existence qu’a la ténacité de son réalisateur qui voulait absolument donner une suite cinématographique aux aventures du héros de Mike Mignola (créateur du comics originel) alors même qu’il n’en était pas question pour des studios refroidis par le semi-échec du premier opus. Echec dont ils étaient entièrement responsables. D’une intégrité sans failles, le père Del Toro s’est quand même mis au travail, aidé à la tâche par Mignola lui même, pour écrire le scénario de ce deuxième Hellboy et démarché d’autres studios qui pourraient financer son projet.

Pour un budget sensiblement supérieur au premier (80 millions, ce qui est peu pour un film de super héros demandant autant d’effets spéciaux, qu’ils soient mécaniques ou virtuels), il trouve preneur chez Universal et se lance donc dans l’aventure, aidé par une équipe totalement dévoué à sa cause. En cela, il est impossible de douter de la sincérité du projet qui, couplé au boulot effectué, ne mérite qu’un grand coup de chapeau. Un chapeau qu’on brandira souvent tant le film laisse pantois, s’avérant aussi brillant dans le genre que le « The Dark Knight » de Christopher Nolan. Les deux films sont d’ailleurs semblables à bien des égards. D’une part, ils creusent leurs univers respectifs plutôt que d’évoluer a l’intérieur de celui-ci comme si ils n’avaient plus de secrets pour le spectateur, d’autre part, la fiction en elle-même est tout autant soignée que les thématiques abordées. Enfin, on peut dire que le plaisir procuré est exactement le même car rares sont les productions qui peuvent se targuer d’un tel savoir-faire, d’une telle maîtrise et d’une telle richesse. Mais Hellboy II, qu’est ce que ça mange ?!…

Tout d’abord c’est un casting toujours aussi impeccable qui donne corps à des monstres autrement plus humains que les hommes par une profondeur stupéfiante et un jeu en totale adéquation. Il faut voir cette trogne pas possible d’Hellboy (Ron Perlman, né pour ce rôle) en pleine crise conjugale et existentielle avec une femme incandescente ou un Abe Sapiens découvrant l’amour (le protéiforme Doug Jones qui donne vie au latex comme personne) pour voir a quel point le film soigne ses personnages et, par la même, créer l’émotion. Après avoir montré beaucoup de facettes du démon rouge dans le premier épisode, cette suite se concentre cette fois beaucoup plus sur son entourage proche. Choix intelligent car il permet d’appréhender un peu plus cet univers constamment inventif qu’est celui d’Hellboy. En cela, il ne fait que confirmer cet amour jamais feint et profondément touchant que Del Toro porte au genre fantastique et plus précisément aux monstres, créatures et mutants en tout genre qui le peuple. Pour preuve un prince Nuada qui, au même titre que le Nomak de Blade II, s’avère d’une dimension shakespearienne (soutenue dans une scène où il faut littéralement tuer le père), à de très bonnes raisons de s’élever contre l’homme et se montre touchant dans sa volonté cohérente et sans failles de se battre pour ce qu’il croit juste. Une profondeur existentielle très rare chez les antagonistes, et encore plus dans un blockbuster. Brillante, cette humanisation constante du bestiaire fantastique de Hellboy II ne surprend pourtant pas puisque elle perpétue la profession de foi que Del Toro exploite à travers ses œuvres depuis de nombreuses années. C’est là que nous touchons un point essentiel du métrage, sa dimension presque rétrospective. A travers les thématiques abordées (la filiation, l’amour impossible, la différence mal vécue, …) et de nombreux éléments de l’univers dépeint (l’arbre magique, le royaume souterrain,…), il est impossible de ne pas voir les liens qu’entretient le film avec les précédentes œuvres du cinéaste notamment Blade II  et  Le labyrinthe de Pan. C’est là tout le génie de la démarche, et le propre d’une adaptation, reprendre des choses déjà faites mais les explorer avec une approche inédite pour donner au métrage sa propre identité (ce qui permet a tous ces mondes créés de part et d’autre de ne former qu’un seul et unique univers, concret et complet). Hellboy II peut donc se voir comme une œuvre qui regarde implicitement en arrière et pose un regard objectif sur le chemin déjà parcouru par son auteur. Parachevant dès lors les obsessions du réalisateur qui sont autant de touchantes et profondes questions, a travers une mise en abyme fantastique, sur l’être humain dans ce qu’il à de plus pur : ses émotions, sa propension à aimer, sa passion sans limites, son imaginaire sans fin. Ainsi, pour comprendre (voire découvrir) la personnalité et le travail du sieur, Hellboy II – les légions d’or maudites  s’avère le film le plus essentiel a ce jour …

A la fois pur film geek qui affiche des tonnes de créatures fantastiques, magiques, féeriques, digitales, animatroniques, géantes, minuscules, bizarres, superbes, monstrueuses et j’en passe qu’on aurait jamais cru voir sur grand écran un jour mais également film d’auteur qui permet a ses personnages de vivre bien au-delà de scènes d’actions dantesques, tout cela au sein d’une histoire rythmée à défaut d’être transcendante. Le film affiche un brio insolent durant deux heures. Outre une photographie qui jongle entre la froideur urbaine du premier volet et la chaleur féerique de ce nouvel opus, des combats spectaculaires sortis d’un fantasme de fan absolu et soutenus par une fluidité de mise en scène magistrale notamment au niveau du découpage (La séquence d’entrainement du prince Nuada en remontre à tous les clippeurs d’Hollywood), des incursions dans l’animation, le conte de fées voire la comédie fantastique 80’s (Avec une hilarante scène d’ivresse sur Can’t smile without you que seul Del Toro pouvait consciemment imaginer et mettre en images), Hellboy II – les légions d’or maudites opte pour lâcher la bride au fantastique en jouant la carte de l’imaginaire décomplexé, référentiel et foisonnant. C’est simple, on croit a tout ce qu’on voit tant le cynisme est absent et le parti pris assumé. On plonge dans cet univers pour ne jamais en sortir sinon lorsque la salle se rallume. L’ajout d’une bonne dose d’humour renforce une immédiate complicité avec l’univers du film, quitte à parfois l’éloigner du sérieux du premier opus, mais permettant de rendre ce volet accessible à tous. Quant au travail irréprochable de l’équipe technique sur la production design (costumes de comics-books, accessoires héritiers de la littérature fantastique, effets spéciaux dans la droite lignée des films de super-héros,…) et le score épique de Danny Elfman, ils ne sont que les derniers coups de pinceaux d’une toile de maître…

Le seul bémol qu’on pourra émettre mais qui se noie dans la satisfaction et la jubilation procurée par le film est une exploitation de certaines thématiques parfois sacrifiée un peu trop vite ou maladroitement amenée (chaque scène romantique étant encombrée de fondus qui empêche une totale implication émotionnelle) mais ce sont des défauts mineurs et Hellboy II – Les légions d’or maudites en a deux ou trois autres de cet acabit que nous tairons car ils ne valent même pas la peine que l’on s’y attarde. Probablement l’un des films les plus réjouissants de ses dernières années et le plus riche indéniablement, cette seconde aventure du colosse infernal est une œuvre indispensable pour tout cinéphile qui se respecte et prouve, encore une fois, que le cinéma populaire à parfois une profondeur insoupçonnée…

Spectacle total, poignant film de monstres mais aussi introspection implicite d’un réalisateur sur son cinéma, Hellboy II – les légions d’or maudites, par son foisonnement narratif et thématique impeccablement maîtrisé est une véritable perle, une grosse part de gâteau geek, généreuse comme on les aime !

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le 13 déc. 2012

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Adrien Beltoise

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