Les mois se sont écoulés, de nombreuses scènes se sont effacées de ma mémoire mais perdure le sentiment qu'il est important de produire quelques mots au sujet du dernier long métrage en date de Spike Jonze.
L'objet en question est délicat, propose une approche sensible pour ne pas dire subtile sur le sentiment amoureux dans une société (d'un futur proche) où la technologie se love dans l'intime de l'être humain, avec une proximité encore plus étroite. Il est également question de relationnel: qu'est-ce qu'une relation amoureuse ? Quel est sa nature profonde ? Nécessite-t-elle obligatoirement une présence physique, une incarnation ou bien peut-elle s'établir sur un plan plus immatériel ? Quelles sont les véritables exigences qu'elle suppose ? Etc.
Le sujet de la singularité technologique (Samantha est bien plus qu'un OS, manifestement) est marginalisé, à la périphérie du regard au profit de celui du besoin d'attachement, du pouvoir du lien (amoureux ou amical) y compris entre l'homme et la machine ou encore (surtout ?) de la manière de composer avec la solitude pour développer sa proximité à l'autre.
On peut y voir, selon ce que l'on est et ce que l'on a l'esprit, une grande variété de questionnements et un écho particulier à des sentiments que l'on a éprouvé. C'est toujours intéressant quand une oeuvre développe ces surcouches que l'on se plaira à peler en y réfléchissant après coup. Mais point de heurts, l'on est dans un cocon rassurant: l'un des fils conducteur du film est la prédominance du sentiment de sécurité (émotionnelle, affective pour l'essentiel) qui marque la technologie en général. Douceur de l'ambiance, des interactions avec la machine fondées sur le langage, la voix (et ce n'est pas un hasard), confort manifeste et harmonie qui émanent d'à peu près tout; de l'architecture, du mobilier et jusqu'au wagon de train, couleurs chaudes, etc. La technologie est ici maternelle et "compréhensive". Ce n'est donc une surprise pour personne (sauf peut-être Olivia Wilde) quand Theodore annonce que sa petite amie est un OS. Qui cela choquerait-il dans une société du "technologic care" ?
Mais il n'y a pas de sécurité affective et Theodore l'apprend à travers sa relation avec Samantha qui lui permet d'évoluer, de guérir, de se rétablir de l'échec de son mariage et qui le libère, dans la douleur, de l’atrophie des sentiments et de la peur d'aimer pleinement.
Jonze parvient, et ce n'est pas un sentiment que tout le monde partagera, à donner corps et consistance à la relation entre Theodore, que l'on voit à l'écran, et Samantha que l'on entend, absente mais omniprésente par nature. Ce n'est pas tout le temps parfait mais c'est parfaitement convaincant. D'autant que le film ne se prend pas excessivement au sérieux en se ménageant certaines scènes assez drôles (notamment, le dialogue cochon entre Theodore et la "femme au chat").
La délicatesse de "Her" réside dans cette sensibilité assumée comme LA valeur du futur, le dépassement du genre qu'on lui prête a priori (ce n'est pas un film de SF) et la manière dont le film parvient à élever son propos, dans un final lacrymal, pour le porter simplement à la hauteur du cœur. Et l'on s'abandonne au silence qui suit l'amour.
Gondorsky
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes A voir (2013-2014) et Un an de films (2014)

Créée

le 1 juin 2014

Critique lue 371 fois

2 j'aime

Gondorsky

Écrit par

Critique lue 371 fois

2

D'autres avis sur Her

Her
Strangelove
9

Siri's paradox.

Looking at the World.Je ne sais pas. Je ne sais pas si c'est moi ou un vrai tour de force, mais ce film m'a ému aux larmes. J'ai ris, j'ai pleuré, je me suis émerveillé devant une telle justesse et...

le 15 févr. 2023

319 j'aime

20

Her
Fraeez
5

New Hipster App Available On Google Play Store!

J’ai un problème, je suis quasi-intolérant au sentimentalisme exagéré. La volonté de vouloir me faire éprouver des émotions en exacerbant toutes les passions produit chez moi une nausée due à un...

le 27 mars 2014

295 j'aime

19

Her
EvyNadler
8

Mauvaise foi

Bon déjà je tiens à préciser que je voulais mettre 5 dès le début. Avant même la première minute. Enfin dès le début quoi du coup. Oui je sais, c'est pas digne d'un critique, c'est pas digne d'un...

le 22 juil. 2014

232 j'aime

21

Du même critique

Stoner
Gondorsky
10

Critique de Stoner par Gondorsky

Un texte d'une évidence rare. Chaque mot résonne, fait écho en soi. On se coule dans le récit avec une facilité supranaturelle tant la simplicité qui s'en dégage constitue en réalité une force...

le 31 janv. 2013

12 j'aime

nostalgia,ULTRA.
Gondorsky
10

Critique de nostalgia,ULTRA. par Gondorsky

C'est tellement au-dessus du lot qu'on en est presque gêné de devoir se fader beaucoup de mauvais hip hop/rnb au quotidien. Très abouti niveau arrangements, sans que cette sophistication ne tue la...

le 5 juil. 2012

10 j'aime

1

La Fièvre dans le sang
Gondorsky
8

Critique de La Fièvre dans le sang par Gondorsky

"La fièvre dans le sang" s'apparente dans un premier temps à une sorte de film de propagande puritaine à l'attention des adolescents avant de changer complètement de nature, dans un second temps. De...

le 11 févr. 2012

10 j'aime

1