L'histoire de "Her" se trouve "dans un futur proche"... (cette expression qui te donne un râteau de 5 à 20 ans) et elle est effrayante de réalisme. De beauté, de justesse. Ce film subtil narre un passage de la vie de Theodore. Celui-ci n'a pas beaucoup d'amis. Il travaille comme écrivain de lettres manuscrites : l'amour, la joie, la peine, les sentiments, ils les écris. Mais dans la vraie vie, il préfère faire courir ses doigts dans le vide devant un écran à la "Iron Man" ou chatter avec des inconnues qui veulent des animaux morts autour de leurs cous. Bref, Theodore se sent seul, un peu perdu, pas très en conscience de ce qu'il veut vraiment. Il pense souvent à son ex-femme, Catherine. Les flash-back sont d'ailleurs très bien réalisés. Il y a également une touche d'humour surprenante et agréable qui donne une légèreté non négligeable au film.
Theodore est un rêveur professionnel qui passe devant ce qu'on pourrait facilement confondre avec un Apple Store (fermez les copyrights), qui est en réalité une publicité pour un nouveau système d'exploitation, "OS 1" qui utilise une incroyable intelligence artificielle. Il achète. Il installe. Et à partir de là le bizarre, l'absurde, le questionnement commence.
Samantha est l'A.I de Theodore. Elle l'aide à trier ses mails, à faire du ménage dans son ordi, à régler sa vie virtuelle. Elle évolue également en tant que réelle conscience. Elle voit, parle mais ne possède pas de corps, de présence matérielle. Theodore et Samantha tombent amoureux l'un de l'autre. Des scènes très étranges apparaissent alors, correspondant à la situation : elle demande à une personne "réelle" de faire semblant d'être elle, ils font l'amour par la voix, ils vont dîner avec un couple d'amis alors qu'elle n'est matérialisée qu'en smartphone... Cela nous dérange et nous fascine. Nous effraie et nous rassure. La technologie utilisée dans le film est réaliste, les moments que Spike Jonze nous montre sont tout à fait plausibles. Comme toute histoire d'amour, leur romance évolue pour muer en une fin mélancolique.
La forme, l'esthétique de ce long-métrage est tout à fait extraordinaire. S'inspirant du "flat design", de l'art contemporain, des couleurs vives comme le rose, le orange, le jaune, Her offre tout un univers très cohérent et sobre, à la mode pinterest-hipster. La gamme chromatique du film se situe dans les tons chauds : d'ailleurs, le réalisateur a tout simplement enlevé la couleur bleue ! Quant à la musique, elle fait passer les émotions en douceur, elle amène à apprécier de manière très sobre ce film tout en finesse.
Her pose des tas de questions différentes sur la vie virtuelle, matérielle, la technologie, l'intelligence, la conscience, les sentiments, la liberté. Samantha est-elle plus libre ou plus prisonnière que Theodore ? Le fait de posséder un corps, est-ce être prisonnier de sa chair ou libre de ses actions ? Est-ce que l'amour peut être réellement défini ? Après tout, peut-on juger si c'est de l'amour ou non quand il s'agit d'un être humain et d'une machine ? On fait pareil pour l'art : les grands concepts sont extrêmement difficiles à juger.
Pour finir, la prestation de Joaquim Phoenix est magistrale, touchante, humaine : il joue naturellement, sans aucun faux pas. On s'identifie, on s'amuse pour lui, on est dégoûtés comme lui. La voix de Scarlett Johansonn fait passer les émotions très justement, tandis que Amy Adams et Rooney Mara sont étonnantes et brillantes. Her est un film qui parle de la vie et de nos relations aux autres, qu'elles passent par la technologie ou par les "vrais" sens. C'est du grand cinéma.