"I keep waiting not to care about her".
Il arrive qu'un film, par on ne sait quel miracle d'ingéniosité, parvienne à cristalliser tout un pan d'une époque. Qu'il parvienne à la fois à rassembler toute une communauté autour de lui par son universalité et qu'il arrive à la fois à être une œuvre profondément personnelle, arrivant à transporter le spectateur ailleurs. Spike Jonze, ici avec son quatrième long métrage, n'y est pas seulement parvenu non, il est au dessus de tout cela. Et loin de tout l'engouement engendré autour de son projet, le réalisateur arrive à nous surprendre bien plus qu'on s'y attendait.
Her n'est pas un film aussi simple qu'il y paraît et nécessite d'être visionné avec les idées claires. A la fois sa plus grande qualité et aussi son seul défaut, sa richesse en fait l'un de ces films aux interprétations multiples, dont chacun pourra faire l'expérience à sa manière. Il est donc nécessaire d'y aller d'une interprétation réfléchie et d'y trouver un élément qui permettra par la suite, de trouver un fil directeur. S'enrichissant au fil des minutes, de nouvelles idées et questionnements, Her est un véritable puits d'imagination et d'idées qui ne semble jamais vouloir cesser de se renouveler. Ce qui ne l'empêche pour autant d'avoir une trajectoire narrative parfaitement rectiligne, témoignant d'une véritable maîtrise du sujet initié par son auteur et de sa volonté avant tout, de raconter une véritable histoire d'amour. Sujet principal du film, la relation intime qu'entretient le personnage principal avec une intelligence artificielle, et par extension immatérielle, se trouve être le point central d'où partirons toutes les grandes idées du projet. Plus précisément, il traite de la volonté humaine de s'adjoindre de la réalité par le biais de nouveaux outils. Les buts sont multiples mais ils résultent avant tout d'un besoin, de nouvelles expériences et de pouvoir, ici, se confronter à ses propres créations. A tel point que la relation en est exacerbée et que le virtuel vienne s'adjoindre à notre réalité. Loin du simple constat qu'on peut se faire de notre société actuelle, la simple idée qu'une relation sexuelle sans le moindre contact puisse se faire semble à la fois relever de l'irréel quand elle est pourtant bien plus présente qu'on ne le pense. Forums, sites de rencontres, chatroom privées ou encore relations à distance sont d'autant plus présentes qu'elles semblent faire évoluer les relations entre les individus vers un stade peu envisagé auparavant.
Postulat de la tristesse humaine contemporaine ? Il nous est libre d'en décider mais il semble malgré tout difficile de nier cette volonté qu'à l'homme à s'enfermer dans une solitude faussement réconfortante. Trop faible pour faire face à sa tristesse, trop lâche pour accepter les faits, il ne fait qu'attendre que les choses passent, croyant pouvoir un jour, par magie, sortir du gouffre. Il se divertit, cherche à assouvir ses plaisirs mais dès l'instant ou le réel refait surface, il ferme les yeux. Il n'en finit avec rien, remémore sans cesse son passé et ses erreurs. Pourtant la solution ici ne se trouve pas dans l'oubli mais bien dans l'acceptation. Accepter le vrai, cesser de voir à travers le virtuel une représentation de ce que l'on pourrait devenir, de fantasmer sur des idées pré-conçues et pré-mâchées. Les parents parfaits n'existent pas, tout comme les hommes ou les femmes, ou couples parfaits sont inexistants. Comprendre de quoi l'on fait parti, comprendre que ce n'est pas notre représentation ou nos écrits qui font ce que l'on est mais bien nos sentiments, nos envies et nos désirs. Des désirs que partagent ici l'intelligence artificielle. Sans oublier son aspect science-fiction, Her fait parti de ces rares films à présenter la machine comme un véritable humain. Qu'elle soit physiquement inexistante importe peu, l'important réside dans l'idée que la machine n'est pas ici manipulatrice ou objet de racisme et de violence, mais plutôt qu'elle accepte sa différence d'avec l'humain. Le virtuel n'est pas insensible mais en quête d'une identité quant il à été crée pour justement, nous permettre d'en obtenir une. Rarement un tel degré d'humanité aura été atteint dans la relation qu'un homme peut avoir avec une machine, et dans la manière dont celle-ci peut l'aider à atteindre un point qu'il pensait inatteignable.
Au final, Her, est sans conteste, ce que l'ont peut nommer un chef-d’œuvre. Visionnaire, actuel, universel, émouvant, personnel sont encore trop peu d'adjectifs pour définir un film qui semble ne plus toucher terre tant il s'envole vers des degrés inespérés. Visuellement sublime, brillamment interprété et écrit, Spike Jonze démontre non seulement qu'il est un réalisateur de talent mais qu'il est en plus capable d'imprimer sa manière de voir le monde qui l'entoure. Une telle réussite qu'il semble difficile de poser des mots dessus après le visionnage, et dont on parlera encore ému dans les années qui suivront.