J'ai beau avoir fait des études de cinéma, ce qui me permet de déconstruire tout ce que je vois en termes techniques ou en métiers, tout cela reste inutile durant le visionnage d'un film. Ce qu'on attend de l'Art, c'est qu'Il nous entraîne, nous touche, nous inspire et lorsque ça marche, pourquoi se poser ce genre de questions, qu'est-ce qu'il y'a derrière la caméra? Est-ce qu'en regardant un tableau, on se demande quel pinceau a utilisé son peintre ou quels traits il a tracé en premier? Non, lorsqu'on est pris, on s'en branle du "comment", surtout que la réalisation ici est efficace au point de laisser le scénario se dérouler sans anicroche tout en servant le propos avec réussite. C'est une des raisons pour laquelle je ne suis pas fan des films esthétiquement théorique, qui se contente d'un jeu de lumière ou de montage sans véritables messages derrière.

Il faut dire que "Her" a gagné le prix du scénario, j'étais plutôt bien parti pour apprécier le film. Ici, Spike Jonze questionne l'Amour et le rapport moderne à cette déesse durant deux heures, ce qui permet de faire le tour du sujet et entraîne malheureusement quelques longueurs, deux heures durant lesquelles je me suis évadé et transformée au vieillard, l'un des dernier à être arrivé dans la salle, un peu perdu, ne semblant pas comprendre tout ce qu'il regarde.

Car voilà l'une des magies de la vie, cette solitude, ces problèmes sentimentaux, il les a vécu aussi, dans une autre époque, dans d'autres temps de sa vie, et il était là, semblant comprendre en souriant tout en fronçant les sourcils à chaque terme nouveau, chaque image plus technologique, ne sachant différencier les possibilités actuelles de ce qui est encore fictif, perdu dans notre réel comme nous le sommes dans ce futur proche.

Très proche d'ailleurs. Dans les rues, personne ne se parle mais parlent à l'application, dans leurs oreilles. Juste avant le film, je mangeais au Restaurant Universitaire et observais autour de moi; les personnes seules étaient sur leur portable, certains discutant, un écouteur dans les oreilles. D'autres, pourtant avec leurs amis, tapaient aussi sur leurs tactiles, plus intéressés par l'écran que la personne en face d'eux. Oui, futur trop proche. Ce que je reproche aussi au film, c'est qu'il ne possède pas la force de frappe et l'ironie misanthrope d'un Charlie Brooker dans la société qu'il décrit. C'est assez lisse mais encore une fois, tant mieux, ça sert le propos, nous rentrons et sortant vraiment dans une romance complète entre un homme et son application.

Ce qui diffère de l'épisode 1 de la saison 2 de Black Mirror "Be right Back", c'est que le scénariste préfère ici développer l'aspect psychologique de l'appli et de Théodore plutôt que l'aspect physique et déjà tracé de la psychologie. Du coup, on se retrouve devant un film développant des questions beaucoup plus existentielles sur les possibilités d'une machine qui aurait conscience d'elle-même, pourrait apprendre puis ressentir les émotions humaines, jusqu'à une fin plutôt cohérente où l'entité même prend la décision radicale de... non, franchement, allez le voir.

Je suis donc sorti avec la nostalgie d'un futur déjà désuet de la salle, plaignant la nouvelle génération qui semble encore plus piégés que nous à l'époque, les vieux de la vieille, par une technologie qui les sépare. Je n'en ai plus pour long à vivre, j'ai déjà vécu tout ça, ces sentiments, le bonheur, encore et encore toute ma vie... Mais à mon âge, cette application me serait bien utile, une ultime compagnie, maintenant que tout le monde est parti. Puis j'ai retrouvé peu à peu mes 23 ans... merde! Cette génération perdu, c'est la mienne... pourvu que l'on se retrouve assez vite.
Strangeman57
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le 20 mars 2014

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