"Je me souviens avoir vécu ici. Je suis bien ici."
Robert Zemeckis a toujours été un grand expérimentateur dans le domaine cinématographique, qu'il s'agisse de mêler animation et prises de vues réelles (Roger Rabbit), d'intégrer Tom Hanks dans des images du passé (Forrest Gump), et bien sûr en expérimentant et en développant la technique de la "performance capture" (Le Pôle Express, La Légende de Beowulf, Le Drôle de Noël de Scrooge).
Adaptant ici la bande dessinée homonyme de Richard McGuire, Zemeckis continue dans cette veine expérimentale, en utilisant notamment une technologie de "maquillage numérique" lui permettant de rajeunir les acteurs en direct sur le plateau.
Tournant son film d'un seul et même point de vue statique, Zemeckis nous déroule un récit où les histoires et les générations s'entremêlent sans cesse, et où le temps file plus vite qu'on ne le croit.
Des "cases" instantanées de vies, apparaissant, se superposant et s'évaporant, entre moments de joie et de tristesse, de partage et déchirement, et séparées par des années, des décennies et parfois même des siècles, démontrant les incalculables souvenirs contenus dans cette maison, lieu unique du film.
Un dispositif narratif avec lequel j'ai eu un peu de mal une partie du film, l'humain ayant du mal à vraiment exister au sein de la technique, de par cet enchaînement un peu trop soutenu et redondant de récits qui n'ont pas suffisamment le temps d'exister pour pouvoir s'y attacher (mais peut-être que cela rejoint ce sentiment de temps qui passe trop vite ?).
L'impression que la forme, trop présente, vient un peu trop écraser le fond, et qu'on en voit certaines ficelles, à l'image du rajeunissement numérique de Tom Hanks et Robin Wright (réunis à nouveau à l'écran, 30 ans après "Forrest Gump"), dont les visages en tant que très jeunes adultes ont d'abord bien du mal à convaincre (plus le temps avance, plus cela s'améliore).
C'est à partir de sa seconde moitié, quand le film se pose davantage et laisse vivre certaines de ses histoires, que l'immersion se fait véritablement et que je finis par en oublier le dispositif technique.
C'est quand les sentiments (rêves, choix, regrets) s'incarnent, que l'émotion se fait petit-à-petit plus présente, et que je me connecte au film, parce que ces sentiments, ces moments de vie bien précis me parlent et me touchent, qu'ils soient positifs ou négatifs.
Sorti dans une certaine indifférence (ce qui est bien dommage), «Here» est un pari, faisant finalement sens dans sa manière de nous narrer son récit, nous montrant tous ces morceaux de vies à l'intérieur de l'Histoire de la vie, et ces parallèles entre chacun d'eux.
Une façon de nous dire que nous ne sommes que de passage, et qu'il faut parfois plus prendre le temps de vivre nos propres vies.
Une expérience audacieuse et particulière, finalement assez juste et touchante, si on se laisse immerger dans celle-ci.