J'ai beaucoup glosé sur la qualité de la série par rapport à la saga cinématographique et comment me donner tort ? Je veux dire, la saga Highlander, c'est ce rendez-vous Tinder qui assure en première partie de soirée, t'emmène ensuite au Flunch et te propose pour conclure un amère coït 3 minutes-douche-comprise avant de partir sur un « hein hein » ricaneur. Difficile de ne pas être déçu mais en même temps, difficile de ne pas être un peu attendri par la constance des prestations proposées. À côté, la série se faisait fort de proposer un spectacle qui ne se retconnait pas à chaque nouvel épisode (une tradition pour les films), tout en essayant tant bien que mal de raccrocher les wagons avec la cosmogonie des long-métrages. Exit donc Connor, qui passe une tête pour donner de la légitimité au show et bienvenue à Duncan, campé par un Adrien Paul pas beaucoup plus écossais, aux sourcils qui n'auraient pas dénoté en second-couteau dans un film sur la mafia italienne. Ha, Duncan, son expression sérieuse, ses longues séquences de Tai-Chi, ses méditations en kimono de soie, son expertise au katana : un vrai weeb lord d'avant l'heure, gambadant joyeusement dans les landes parisiennes de Vancouver. Du coup, pour redonner un peu d'allant au nom « Highlander », il fut décidé d'un passage de flambeau dans les salles obscures, un moment solennel où les films avoueraient leur échec et proposeraient à la série de prendre leur place sur grand écran. Malheureusement, s'il est bien une malédiction, c'est celle d'Highlander en long-métrage...


Déjà, on sent le projet voué à un laborieux travail de funambule : en intégrant la série à sa mythologie, la saga trahit à nouveau son itération précédente, qui partait du postulat que Connor était bien le dernier immortel. Bah non, en fait, il y en a toute la clique amenée par le show. À ce niveau-là, on pourrait presque faire un parallèle entre Highlander et Final Fantasy : chaque nouveau chapitre tenant plus de la réécriture sur un même thème que de la véritable suite. Mais en prime, le film met en exergue un autre problème qui a traversé le concept même des immortels : Highlander, c'est jamais que deux keums qui veulent se foutre sur la tronche à l'arme blanche, étiré sur une heure et demi – voire deux pour les plus gourmands. Compliqué d'être passionnant sur un duel qui pourrait être résolu en vingt minutes avec un peu plus d'enthousiasme. C'est que les méchants de la saga ont pour trait commun un seul et unique but : proposer à la tête du McLeod local un peu de tourisme indépendamment du reste de son corps. Du coup, le lecteur attentif se demandera, et à raison : on raconte quoi pendant l'heure et quelques qui reste ? Eh ben, installe-toi l'ami, parce qu'on a les flashbacks. Dans le métier, on appelle ça « le remplissage avec parfois des fusils de Tchekhov maladroits » et c'est carrément un gimmick : chaque histoire proposant de faire le trait-d'union entre le présent et une des deux mille vies de nos globe-trotters de McLeod. Un canevas bien rôdé, histoire de nous rappeler la longue tragédie des immortels, ces gens qui veulent pas tomber amoureux car le temps file si vite, mais tombe amoureux, se font décaniller le nouvel amour de leur vie par un méchant de passage qu'ils laisseront filer pour un ou deux siècles de rancœur, avant de finir le travail de nos jours. Un amour à mettre en parallèle avec la nouvelle copine du McLeod joli-cœur qui, bien qu'on ne l'y reprendra plus, se fait reprendre et reprend en retour. Donc une amourette (facultative) dans le passé, une amourette bien expédiée dans le présent, on a normalement tous les éléments d'un Highlander.


Maintenant qu'on a revu les bases, parlons de l'intrigue : et ça va aller vite, ne vous inquiétez pas. On a donc un Chistophe Lambert un peu épuisé d'avoir encore à jouer Connor qui voit évidemment revenir de son passé « le plus puissant des immortels » all over again, un ennemi ô combien fascinant, source inénarrable de séquences malaisantes, à savoir : le second couteau de Donjon & Dragon. No pun intended, c'est bien ce saligot qui, après avoir traîné sa présence bleutée aux côtés de Jeremy Irons, décide de venir jouer les prêtres un peu fifous à New York. Son unique trait de caractère sera de surjouer énormément et aussi, diablerie que cela, de décapiter un ou plusieurs McLeod, c'est selon le nombre d'immortels qu'accueillent cet ancien clan écossais. Le personnage en lui-même est tout un poème, puisqu'il est à 50% iconisé à travers ses chaussures, coquettes, qui sont frappées de trois croix chrétiennes en argent. Voilà, parce que c'était un prêtre à l'époque, voilà voilà. D'ailleurs, il a des cultistes avec lui et même parfois cite la bible, mais pas trop parce que personne sur le tournage n'a voulu se fouler à trouver des citations qui matchent avec la scène... Évidemment, au menu, ce méchant a surtout besoin de plus de Quickenings avant de pouvoir faire face aux McLeods Brothers et décide de décapiter un maximum d'immortels, ce qui le poussera à violer le Sanctuaire des Veilleurs (ajout fondamental de la série) où sont cachés nos charmants immortels en mal de vivre. Du coup, meubler une heure et demi avec si peu de matière, c'est compliqué. On ajoute donc des Veilleurs qui veulent absolument planquer les derniers immortels pour éviter que Saligot ne les trouve (on saura jamais vraiment pourquoi, la raison invoquée étant « pour éviter qu'il obtienne le Prix » sauf que bon, le prix, on s'en fout non?), Saligot qui a un culte d'immortels à sa botte pour faire ses basses œuvres et je vous mets avec ça une ex de Duncan parmi les méchants pour un peu plus de flashbacks, c'est la maison qui offre. Mais alors, ça meuble efficacement l'histoire ? Non. Vous vous en doutiez, mais évidemment, tout ça ne meuble pas un heure et demi, surtout quand en réalité, de ces sous-intrigues particulièrement passe-plats, le métrage ne fait rien. Les Veilleurs veulent kidnapper Duncan ? Ah non, ça va, ils tentent une fois, un Deus Ex Machina passant par là le libère. L'ex de Duncan veut le buter ? Ah non, ça va, il a levé les sourcils et elle a de nouveau été séduite. Le méchant est tellement charismatique (spoiler alert : non) qu'il s'est entouré d'immortels prêts à tout pour le servir ? On s'en fout, il les décapite pour un boost de puissance et on passe à la suite. Connor veut mourir ou est mort, enfin, on arrive plus à suivre ? Ah non, ça va, Christophe Lambert passe par là, se fait décapiter, lâche un « hein hein » (l'ordre n'est peut-être pas à jour) et c'est une fin de tournage pour Monsieur Lambert. Que reste-t-il ? Beaucoup de vide, beaucoup de remplissage et une dernière sous-intrigue particulièrement bizarre car dont les enjeux ont été cut : en fait, le méchant voulait parvenir à 666 meurtres confirmés pour obtenir des pouvoirs diaboliques. Oui, ce film est sorti en 2000, c'était la mode.


Bon, là, vous vous dites « Okay, mon Oeil, mais tu nous fais tourner en bourrique : nous, on est là pour l'action, les duels au sabre, le sang qui coule ! » et je vous répondrai : déjà, vous n'êtes pas ma mère et ensuite, là aussi, vous devriez peut-être passer votre chemin, c'est pas Highlander : Endgame qui va régaler vos appétits sanglants. On commencera, pour vous mettre en appétit, avec des prêtres équipés de fusils à pompe et de uzis qu'ils secouent dans tous les sens au ralenti. Les connaisseurs reconnaîtront une spécialité du début des années 2000. Ces ministres du culte ouvrent le feu sur des adeptes de notre méchant, des immortels qui, une fois au tapis attendront sagement que Donnie Yen fasse le ménage. Une apparition furtive, durant laquelle le bougre régale niveau patate mais voit son art sacrifié sur l'autel du ralenti intempestif : on est dans le cloaque des séries tv qui n'ont pas vraiment le temps ni l'envie de chorégraphier des rencontres sympas. Alors niveau duel, on doit bien avoir quelque chose à se mettre sous la dent ? Bof. Donnie Yen aurait pu laisser croire à de la bonne marave mais une fois qu'il a mis au tapis quelques no-names, il confronte Duncan et, par intervention divine, Adrian Paul l'emporte sans trop suer, avec échange d'amabilité et quelques bourre-pifs : on rappelle que Duncan maîtrise mieux les arts martiaux que tout le monde, même Donnie. Ce qu'il faut retenir : si je vous dis « mauvais film d'action », vous pensez aux ralentis inappropriés, aux scènes montrés successivement sous deux angles différents (et même parfois aux ralentis), vous pensez aux personnages qui tiennent leurs armes à feu inclinées sur le côté. Vous pouvez ouvrir les yeux, ce que vous imaginiez, c'était bien la mise en scène d'Endgame. Aucun effort de mise en scène ne sera fait pour vous laisser un peu rêver et le métrage se permet même de s'en foutre au point de rompre complètement avec la spatialisation des lieux. On débute un combat dans un appartement, puis hop, on est dans un immeuble en construction, puis hop, le héros passe par la fenêtre du huitième étage d'un bâtiment qui en compte trois. Deux ennemis se rencontrent dans la galerie supérieure d'une église (par pure magie, puisqu'à aucun moment ils ne se communiquent un lieu de bagarre) : tu clignes des yeux et hop, les voilà dans des sous-sols encombrés de tuyaux, puis l'un d'eux sort du champs et le voilà téléporté dans une usine désaffectée : plus les combats avancent, moins les décors coûtent cher et on peut presque entendre un producteur râler que l'heure tourne et qu'un autre mockbuster doit être tourné au même endroit dans la foulée. Un immortel de plus à affronter et le duel se déroulait dans une forêt.


Finalement, je savais quand même dans quoi je mettais les pieds : le temps aidant, ce voile de belle nostalgie qui couvrait la série a fini par se lever tout doucement pour que l'on découvre, au fur et à mesure, que Vancouver n'est certainement pas Paris mais bien une ville du nord des États-Unis, où le ciel est souvent gris et les coûts de production bien réduits. Suis-je déçu par ce highlander ? Non, ça va, je commence à connaître l'animal, je sais où je mets les pieds. Ma seule vraie déception : que Connor ne soit pas né à Sarreguemines, pour que la saga se soit appelé « Currywurster », ce qui aurait eu plus de caractère. Et cela donne aussi le niveau de mes attentes : Highlander ne rime plus avec l'excitation d'un film dont l'intrigue s'étire à travers le temps et l'espace mais uniquement une petite série B bas de gamme avec quelques drôleries bien malgré elle... Au moins, cela met un terme à la longue déchéance de la saga. Jamais elle ne pourrait se poursuivre avec davantage de panache que... attendez, c'est un Highlander 5 que je vois, auréolé de Quickening et de reprises hasardeuses de Queen ?!

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le 30 juil. 2023

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