Il y a une dizaine d’années sont sortis à un an d’intervalle deux films très proches l’un de l’autre : Hijacking (2012), film danois réalisé par Tobias Lindholm et Captain Phillips (2013), film américain réalisé par Paul Greengrass avec Tom Hanks dans le rôle principal. Si Captain Phillips s’inspire d’une histoire vraie, ce n’est pas le cas de Hijacking. Néanmoins, pour écrire son film, Tobias Lindholm s’est documenté de façon approfondie sur le phénomène très répandu de la piraterie somalienne.
Hijacking respire l’authenticité et le réalisme : odeurs, sueurs, saleté, promiscuité, l’écho du son très désagréable à entendre durant les négociations. Peu à peu l’état physique et psychique des otages se délabrent pendant que s’écoulent les semaines de négociations. Cela vaut aussi pour ceux qui sont restés sur place et pour qui la pression psychique et la responsabilité sont écrasantes.
C’est bien l’aspect que je trouve le plus intéressant dans ce film. Si Captain Phillips s’intéresse uniquement à l’équipage et aux pirates. Hijacking, de son côté, s’intéresse à l’équipage et mais aussi aux négociations qui ont lieu avec les pirates. Le bateau piraté appartient à une compagnie de navire dont le PDG est Peter Ludvigsen (Søren Malling). Cet homme est redoutable en affaire, très doué et efficace pour négocier les affaires commerciales. Mais quand il s’agit de négocier avec des pirates, les règles du jeu sont bien différentes et surtout l’affectif peut très vite brouiller les cartes et rendre dangereux les pourparlers. Il tient à mener lui-même ces négociations, se sentant responsable de l’équipage et il refuse un négociateur extérieur comme le lui conseille le spécialiste embauché pour donner ses conseils et sortir de la crise. Alors que le temps passe, il perd de son assurance, mais il continue à prendre sur lui avec courage et à assumer sa responsabilité. La pression qui pèse sur lui est énorme. Cet homme qui dénouait les situations commerciales les plus compliquées reste ici à l’écoute et demeure capable au milieu de la tension générale de saisir au vol un conseil que lui donne son collègue très effacé. Belle qualité humaine !
Les séquences alternent entre le QG des négociations où les responsables sont accompagnés par le spécialiste leur disant comment réagir, que faire et leur expliquant les rouages de ce type de situation et les otages qui sont livrés à eux-mêmes et qui ne comprennent rien à ce qui se passe. Pour eux, la situation est simple, il suffit de payer la rançon pour qu’ils soient libérés. Ils ne connaissent pas les « règles du jeu » et ils sont accablés par le désespoir. C'est le cuisinier (Pilou Asbæk), homme simple et sans histoire, qui est choisi par les pirates pour faire le lien entre eux et les négociateurs. On voit son état psychique se dégrader au fur et à mesure que le temps passe.
Les acteurs sont impeccables. C’est un plaisir de retrouver une partie de l’équipe de l’excellente série Borgen, sur laquelle Tobias Lindholm a travaillé comme scénariste. On retrouve ainsi les deux acteurs Pilou Asbæk et Søren Malling, et dans un rôle secondaire Dar Salim. Ils sont tous excellents et rendent de manière convaincante leurs personnages.
Hijacking s’intéresse surtout à l’aspect psychologique. On ne verra pas, par exemple, l’attaque du bateau par les somaliens, ce qui est assez déroutant. L’histoire est prenante nous laissant dans l’incertitude jusqu’au bout, les nerfs sont mis à dure épreuve, car dans ce type de situation les happy end sont loin d’être assurés...