Hijacking, film danois de l'ami Tobias Lindholm sorti courant 2012, est un thriller nous mettant directement en situation d'hyper-réalisme. On embarque à bord du MV Rosen, navire Danois où l'on suit le quotidien de Mikkel, cuisinier sympathique qui voudrait bien enfin pouvoir rentrer chez lui pour serrer sa femme dans ses bras et assister à l'anniversaire de sa petite fille.
Sauf que le sort en décide autrement et que le navire est brusquement accosté par un hors-bord plein de pirates somaliens armés de Kalachnikov et bien décidé à toucher le jackpot en rançonnant l'armateur.
On suivra le déroulé de cette prise d'otages via deux points de vue, celui de Peter, PDG rigide et austère de la compagnie qui décide à l'aide d'un spécialiste de ce type de situation de négocier directement avec les terroristes, se sentant la responsabilité de leur sort. De l'autre côté Mikkel, bien mal en point, prit en tenaille entre le négociateur - qui n'est pas un pirate, 'tention - et les pirates d'un côté et son patron de l'autre qui semble vouloir à tout prix baisser le prix et faire trainer les négociations.
On voit donc les deux facettes de cette prise d'otage le tout sous l’œil clinique de Tobias Lindholm qui décortique de la manière la plus réaliste possible une situation qui est presque devenue commune à l'époque (on se souvient du nombre impressionnant de prises de navires des pirates somaliens dont on avait les échos dans nos médias). Le rôle du patron incarné par Søren Malling y est tout en nuance puisqu'il est disposé à payer directement mais se le voit déconseiller par le spécialiste. Il est alors obligé de s'engager dans une négociation de longue haleine avec les pirates, sachant que l'intermédiaire, Omar (Abdihakin Asgar) semble être expert en pression psychologique et en chantage en tout genre.
Notons l'interprétation très convaincante de Pilou Asbæk impressionnant dans le rôle de Mikkel exprimant avec conviction la descente aux enfers de ce cuistot coincé entre son patron qu'il ne comprend pas et les pressions du quotidien qu'il subit. Le stress de se faire tuer à tout moment, l'espoir de s'en sortir qui le torture, son rôle presque d'intermédiaire entre les pirates et l'équipage, tout cela détruit au fur et à mesure un personnage qui se retrouvera complètement hagard, neurasthénique. Saluons aussi Roland Møller qui fait de l'excellent travail en second rôle.
La réalisation sobre et efficace de Tobias Lindholm est au service de son scénario, cadrant souvent au plus près des personnages dans leurs instants de détresse, exposant les courtes joies et les longues heures d'angoisse, donnant toute la mesure de l'étouffement sur le navire jusqu'à accentuer la claustrophobie induite par les espaces exigus du navire et de l'entreprise elle-même, puisque le PDG reste enfermé dans une salle de négociation ou bien dans son bureau. Exit les grands espaces, les étendues maritimes où Mikkel perd son regard en ouverture du film, l'enfermement est fort bien rendu et c'est tant mieux.
Là où le film pèche (et non pas pêche) c'est au niveau du rythme. Sacrifiant sur l'autel du réalisme à tout prix, Lindholm impose à son spectateur de nombreux temps mort. Certains sont nécessaires bien sûr pour mesurer la portée de l'écoulement du temps et de la souffrance des otages mais bien trop souvent ils allongent artificiellement la durée d'un film qui aurait bénéficié d'un traitement plus dynamique. L'impression de lenteur, renforcée par le montage et par l'image sobre - mais chiadée, entendons-nous bien - pèse beaucoup sur le film qui peine à démarrer puis s'embourbe dans un quotidien manquant parfois de mordant. Non pas que j'aime les twists en série ni les rebondissements, mais en rendant réaliste ses scènes Lindholm les rend parfois monotone.
Une interprétation de qualité, une image travaillée visant à accentuer la portée réaliste mais un rythme lent qui pénalise l'ensemble.
6,5/10