J'appréhendais le visionnage du film à cause du titre choisi : Hiroshima mon amour, le prototype de la fausse poésie lourdingue qui ne signifie pas grand chose. Voilà, vous connaissez maintenant l'a priori que j'avais avant de le voir, un a priori dont je sais me débarrasser en temps voulu, c'est à dire quand le film commence. Puis j'aperçois Emmanuelle Riva inscrite au générique et je me dis "aie", car je connais ses tendances à surjouer, à appuyer ses répliques au détriment du naturel (cf. Amour, toute la première heure). J'ai eu droit à ce a quoi je m'attendais : une mise en scène volontairement énigmatique, et des acteurs appuyant un texte qui ne pouvait prêter qu'a cela : les dialogues de Marguerite Duras, mélange de philo appliquée et d'introspection complexe, ne sont guère agréables à entendre. Pourtant, quel dommage ! Car on comprend tout à fait où Duras veut nous emmener, quels sentiments elle veut nous montrer. D'ailleurs son idée est très intelligente : associer, dans le souvenir, les lieux avec les sentiments éprouvés en ces mêmes lieux. La parole finale d'ailleurs est très jolie, très bien pensée "Tu es Hiroshima -et toi, tu es Nevers".
Puis, la mise en scène de Resnais est réussie. Le personnage de Riva réussit à acquérir une dimension mystérieuse, troublante, et le cinéaste réussit à retranscrire toute l'étrangeté, toute l’ambiguïté de la relation entre le japonais et la française. Car Riva dégage un certain charisme, le japonais aussi, les images fonctionnent suffisamment pour que celles-ci puissent parler d'elles-mêmes. Mais la voix-off incessante de Riva nous fait toujours prendre de la distance face au film,
et ce n'est pas la partition de Delerue qui va nous rapprocher du film : celle-ci n'est guère en raccord avec l'atmosphère générale du film.
Voilà, à mesure que la mise en scène de Resnais veut nous faire pénétrer au coeur du film, les dialogues poussifs, voire ridicules (la scène d'introduction, qui semble toute droite sortie de Nuit et Brouillard, est entièrement surjouée et irréaliste) nous font dire que le film s'inscrit dans la série de films maladroits et tarabiscotés qu'a réussi à produire la Nouvelle Vague française.