Je me suis laissée tenter malgré le temps qui a passé sur cette réalisation.
Hiroshima mon Amour, est une collaboration entre Marguerite Duras et Alain Resnais reprenant la technique littéraire de l’écrivaine et qui, si l’on accepte pas d’emblée le caractère emprunté et envahissant, risque d’agacer. L’histoire pourtant sert une audacieuse modernité, subtile, sur le portrait de la femme et de sa liberté de choix...Film d’amour sans frontière aucune, mais aussi réquisitoire tout aussi audacieux à l’époque contre la bombe atomique et les guerres renouvelées. La première partie appuie le documentaire et servira à introduire le ton sur la romance de deux âmes meurtries, Elle et Lui, et ses complications. Une intrigue qui s’inscrit bien au-delà de la rencontre, et si celle-ci manquera parfois d’émotion, souvent dialoguée et intellectualisée, elle renforcera le lien entre le drame collectif et individuel.
Un Japon détruit, une population suppliciée, des images réelles dans une première partie servant la fiction en seconde, pour une guerre déjà finie, parabole de la relation passionnelle. La douleur du passé, du présent et de celle à venir et de la nécessité de s’en affranchir.
Les retours en arrière, à Nevers, nous déroulent le drame de Elle, traître à son pays, tondue, amoureuse d’un allemand mort, au bord de la folie, et des plus pessimistes face à la volonté et à la générosité de Lui qui aura décidé de vivre. Un éternel recommencement où la relation présente remplace celle du passé et où cette nouvelle passion sera le remède à l’avenir quitte à ce que ces amours continuent inlassablement. pour Elle.
Accentuant la répétition et le poids des mots qui s’accordent avec les déambulations permanentes du couple, l’alternance entre les temporalités et la nécessité contradictoire du travail de mémoire pour pouvoir oublier, le cinéaste conjugue la noirceur avec l’espoir, notamment dans le portrait croisé des deux protagonistes, Emmanuelle Riva et Eiji Okada, évanescents...où la douceur des corps qui s’étreignent vient se heurter avec les gestes possessifs de l’homme comme pour la secouer de sa torpeur et la réveiller à l’instant présent.
Le jeu des acteurs confirme l’époque d’un cinéma aux envolées théâtrales parfois gauches ou appuyées, mais une caméra qui saisit la ville et les ambiances, l’architecture et les mouvements, une mise en scène de détails, de bruits et de sons servie par une musique qui sait se faire discrète et changeante, et apporte un rythme aux dialogues avec une parfaite harmonie.
Lier le cinéma à la littérature permet au cinéaste de prouver qu’une adaptation peut être réussie, poétique et nostalgique, et profondément humaniste, où le texte est adroitement rendu aux images.
Un beau film.