Un jeune lettré fauché comme les blés, du nom de Ning, un peu benêt et au caractère de paladin loyal bon (mis à part le fait qu'il soit lâche comme pas deux), errant et cheminant à travers la Chine, se retrouve dans un temple abandonné, et va avoir affaire à des fantômes pas très bien intentionnés et à un vieux guerrier taoïste.
Tel est le postulat simple mais efficace sur lequel se base la réalisation baroque, chatoyante et érotisante (sans pour autant être graveleuse, hein) de Ching Siu-Tung, officieusement co-réalisée par Tsui Hark, qui en est également le producteur. Un film qui se veut l'héritier spirituel de Zu, les guerriers de la Montagne Magique, et (spoil) le réussit, a su se tailler une place dans pas mal de festivals et a introduit un tas de gens aux joies du cinéma hongkongais, du fait de son accessibilité.
Et la participation du taïwanais en quête perpétuelle d'expérimentations cinématographiques sur fond de folklore chinois se fait sentir sur cette adaptation d'une des nouvelles du recueil d'Histoires Extraodinaires de Pu Songling, puisqu'on aura droit à des,tas et des tas de plans et de bastons hyper dynamiques, une photographie soignée et colorée, qui participe à l'ambiance fantastique du film, des ruptures de ton très fréquentes où le sérieux de l'histoire d'amour que le héros entretient avec une fantôme et le macabre se mêlent à un humour bouffon présent quelques secondes avant, et réciproquement. J'cite par exemple cette scène, à la fois tendue et poilante, où le lettré effectue des tonnes d'actions dans le temple, en risquant à chaque seconde de tomber dans d'autres étages, où se trouvent des zombies désséchés, sans qu'il le sache. Mais tout comme dans Zu, le premier grand film de Tsui Hark, cette approche est toujours au premier degré, et ne prend jamais ses personnages de haut.
Comme toujours, Hark pousse les effets spéciaux dans leurs dernières extrémités, on aura ainsi droit à (dans le désordre) des cadavres désséchés animés en stop-motion, des tentacules de monstre-arbre, des spectres avec tout plein de voiles qui volent dans tous les sens grâce à leurs pouvoirs maléfiques (mais surtout à leurs harnais), des bagarres au sabre filmées en contre-plongée, des plans ultra stylés comme par exemple, ceux où le vieux taoïste dessine des symboles mystiques sur sa paume, la tend d'un coup sec vers un streum, et BAM ! il explose dans une gerbe de flammes.
Mais surtout, surtout, cette scène dantesque dans le dernier segment qui est le point culminant du film, mettant à l'honneur l'enfer, qui est ici une plaine désolée envahie par la brume et les spectres, à des années-lumières de la vision classique de ce genre de lieux, à base de flammes et de démons qui torturent avec du Mayhem ou du Gorgoroth en musique de fond.
Mais c'est pas fini, hein, y a aussi dans cette même scène une grosse baston contre une armée fantôme, des bras de damnés qui sortent du sol, et un gros squelette noir recouvert d'un drap cachant des têtes coupées.
Faut aussi apprécier la complexité des personnages féminins, qui se prennent en main et sont traités en tant que vraies personnes et non en simples plantes vertes. D'ailleurs, le fait que la fantôme amoureuse du lettré soit sujette à un mariage arrangé avec un monstre ignoble en dit long sur le regard que porte Hark sur la place des femmes dans la société chinoise traditionnelle. Du féminisme trop bien intégré dans l'oeuvre pour ne pas être mentionné.
Et tout comme Matrix, le film se termine sur une résolution de la situation, laissant cependant la voie ouverte à des suites (le deux est à peu près aussi bon mais j'ai pas vu le troisième opus ;-;).
Je vous conseille également (et vivement) ce très bon podcast de M.Bobine sur le cinéma de Hark, où ils en parlent.
Note : 7,75.