Hitcher
7.2
Hitcher

Film de Robert Harmon (1986)

La route et le désert sont des sources d’inspiration inépuisable malgré le caractère austère et monotone de leur environnement, sans doute parce qu’ils évoquent l’ultime frontière de notre civilisation, celle d’une zone de non droit où il est tout à fait permis d’enterrer quelqu’un tant que l’on ne se fait pas attraper. Le road movie est d’ailleurs devenu un genre à part entière qui ne manque jamais de se renouveler parce qu’il constitue surement l’un des derniers piliers du rêve américain et de la liberté. C’est d’ailleurs dans ce registre que Terrence Malick, Georges Miller et Steven Spielberg ont fait leur premières armes. On pourrait même penser que l’expression « c’est le voyage qui compte pas la destination » a précisément été inventé pour ce type de périple offrant son lot de paysage aride et sauvage tant il est vrai que le trajet participe pleinement au plaisir et à l’excitation des vacances. C’est bien simple, tout le monde veut sa photo sur la mythique Highway 66 en écoutant du Lynyrd Skynyrd cheveux aux vents. Cependant si la route fait rêver, elle peut aussi être source conflit, d’embouteillage, d’accidents, et de règlements de compte. Il y a les individualistes comme moi qui ignorent consciemment les auto-stoppeurs et ne feront jamais de covoiturage pour pouvoir écouter la musique à fond et larguer des caisses assidument dans leur habitacle, et puis il y a les altruistes qui ne dédaignent pas aider leur prochain, bien qu’ils ne soient jamais à l’abri de faire une mauvaise rencontre.


Jim Halsey pique du nez et comme de nombreux automobilistes radins, il ne souhaite pas se reposer dans un motel miteux par peur de récupérer des punaises de lits en chemin. Chacun sa méthode pour éviter de calancher, café, clopes, tartes dans la gueule, rouler fenêtre ouverte mais rien n’y fait et le jeune homme manque de peu de faire un tête à tête violent avec un camion. Dans cette nuit orageuse, la silhouette que figure un autostoppeur tentant de s’abriter de la pluie est une aubaine qui lui permettra assurément de rester éveiller et potentiellement de faire quelques économies sur le carburant. Du gagnant-gagnant en somme, excepté que la véritable nature du passager ne tardera pas à se manifester, peu loquace, menaçant, John Ryder est un véritable taré qui se vante d’avoir tué la dernière âme charitable ayant accepté de l’aider. Ni une ni deux, le conducteur le débarque d’un coup de volant pour l’empêcher d’agir. Mais alors qu’il croit s’en être débarrassé, le meurtrier va ponctuellement le retrouver sur sa route pour en découdre et lui faire endosser ses crimes. Mis en porte à faux, le jeune conducteur va devoir braver la loi et défier les autorités en prenant une jeune serveuse en otage. Drôle de façon de prouver son innocence. En tout cas Jim y songera à deux fois avant de récupérer quelqu’un sur le bas-côté la prochaine fois.


Si la précédente décennie nous avaient habitués aux registre de maisons hantées (Amityville, Poltergeist), aux tueurs masqués (Vendredi 13, Halloween) et aux monstres tapis dans le noir avide sang et de chair fraîche (Zombie, Le Loup-Garou de Londres) Hitcher replace la menace dans la réalité d’un road trip californien, avec un tueur sadique et pervers au visage bien humain. Rutger Hauer que l’on avait un peu perdu de vu depuis son interprétation en slip de bain dans Blade Runner décontenance autant le héros que le spectateur. Une étrange alchimie va naître de leurs échanges, entre fascination et répulsion, comme-ci le tueur avait enfin trouvé son alter-ego depuis tout ce temps à sillonner l’asphalte, et qui le pousserai à le convertir en dangereux criminel. Le récit aurait même pu bifurquer dans l’allégorie qu’il n’y aurait rien d’étonnant quant on voit l’emprise psychologique qu’exerce John Ryder sur sa proie. A l’image de tous les psycho-killer de son espèce, il reste debout, toujours présent, se parant de toutes les éventualités, prenant le soin de refermer toutes les portes de sortie, réapparaît toujours subitement devant le champ, l’acteur se fait omniprésent dans le décor parvenant à envahir l’espace vital d’un simple jeu de regard, ou avec quelques mots susurré dans le creux de l’oreille. La victime se heurte ici à la même incompréhension de parcours que David le protagoniste de Duel à tel point que l’on se demande par moment si son poursuivant n’est pas un mauvais génie, un double maléfique qui vise à détourner sa conscience pour refouler ses crimes, parce que le héros possède la panoplie du parfait délinquant : un loup solitaire ayant grandi sans son père, brun ténébreux affublé d'un blouson noir, caractère tempétueux et regard de feu. Le choix de caster Thomas Howell vu auparavant dans Outsiders s’avérait tout aussi judicieux que celui de son regretté compère. Deux faces d’une même pièce qui s’affrontent, l’un cherchant à dominer l’autre sur une route infernale qui ne peut déboucher que sur l’enfer. En se muant en prédateur tout aussi impitoyable et féroce, Jim semble avoir récupérer le relais afin de perpétuer la sauvagerie sur les routes de Californie.


À ce que l’on dit, c’est le voyage qui compte, pas la destination, et les détours mortels surtout... Alors si toi aussi tu aimes bouffer de l'asphalte au sens propre comme au figuré, rend toi sur L’Écran Barge. Tu y trouveras quantité de sérial-autostoppeurs et de chauffards frustrés.

Le-Roy-du-Bis
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le 12 sept. 2023

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