La Gare Montparnasse de St-Pétersbourg
Co-production franco-hollywoodienne (20th Century Fox et Europa Corp, la boîte de Luc Besson) réalisée par un jeune réalisateur français, Xavier Gens, qui s'était fait une réputation en tant que formaliste et technicien plutôt doué grâce à ses courts-métrages et ses assistances pour des réalisateurs assez renommés (John Frankenheimer, Tsui Hark...). Il est surtout connu auprès du public pour s'être rendu coupable de "Frontière(s)", son premier long-métrage, film d'horreur grand-guignolesque au « message politique » maladroit et grotesque.
"Hitman", second film du réalisateur mais sorti en premier, est une production beaucoup moins fantaisiste, main-mise hollywoodienne oblige, présentant une configuration classique et calibrée de film d'action : fusillades aux quatre coins du monde, gadgets haute technologie et jolie fille. Et c'est bien là le problème : "Hitman", le jeu-vidéo, est entièrement basé sur l'infiltration et la discrétion, à l'instar des "Metal Gear Solid", "Assassin's Creed" et autres "Tenchu", le joueur incarnant le tueur 47 éliminant ses cibles le plus souvent avec une corde de piano ou un revolver silencieux. Or, dans le film, l'agent 47 dézingue à tout-va à coups de mitraillettes pointées dans toutes les directions, comme dans n'importe quel film avec Vin Diesel ou Jason Statham. Ces derniers devaient d'ailleurs jouer le rôle principal, mais ont décliné l'offre (même si Vin Diesel est par ailleurs producteur exécutif du film) au profit de Timothy Olyphant, qui est l'autre déception majeure de ce film, tant son charisme et sa variété d'expressions sont proches de ceux d'une huitre (sans compter que le crane rasé ne lui va pas du tout).
Par ailleurs, le personnage de 47, dans le jeu produit du clonage à la solde d'une organisation terroriste internationale, n'est ici qu'un orphelin élevé par une organisation secrète. Pour autant, on aperçoit à divers moments dans le film des « doubles » de 47, mais ceux-ci ne sont pas des clones : ils présentent juste le même trait de génie, être des tueurs secrets avec le look le plus identifiable du monde, le fameux code-barre à l'arrière d'un crane rasé (dans le jeu, tout cela est atténué par les nombreux déguisements utilisés par 47). Le début du film, censé évoquer l'enfance de ces tueurs au sein de l'organisation, est composé de plans directement de la série "Dark Angel" (créée par James Cameron), où on voyait l'enfance du personnage joué par Jessica Alba, également produit de manipulations génétiques au code-barre tatoué derrière la tête). Question références, on note également un petit clin d'œil à "Saw" vers la fin du film, quand 47 « offre » le choix à une de ses victimes entre mourir électrocuté ou vivre en faisant mourir quelqu'un d'autre, le tout appuyé par une réplique directement empruntée au sadique Jigsaw (« Vous connaissez les deux issues possibles. Vivre ou mourir, à vous de choisir. »), mais aussi par la présence d'un canard en plastique laissé par 47, exactement comme dans le jeu. Et pour en finir avec les citations, on notera l'apparition du jeu-vidéo "Hitman : Blood Money" (sur Playstation 2) au détour d'une chambre d'hôtel, joué par des enfants, ce qui en dit long sur la vision du jeu par les producteurs du film, alors que le jeu est interdit à la vente aux moins de 18 ans.
La question de l'âge du public-cible est en effet un problème récurent des adaptations de jeux-vidéos au cinéma, ayant notamment posé les plus gros problèmes aux créateurs du film "Super Mario Bros". Pour "Hitman", les producteurs exigeaient un film calibré PG-13 (équivalent de l'interdiction aux moins de 12 ans en France), mais Xavier Gens a réussi à les convaincre que le film devait être plus adulte, conformément au jeu, et donc classé PG (équivalent du « déconseillé aux moins de 16 ans » en France, bien que dans notre pays les classifications soient très laxistes, et donc que Hitman n'ait ici eu aucune classification). Xavier Gens a été remplacé pour quelques scènes retournées à la hâte afin d'être plus formaté pour un jeune public. Une version director's cut existe d'ailleurs, où le réalisateur a pu insérer une minute (quel gain !) d'images plus violentes.
Mais ces bonnes excuses ne sauraient excuser un film quasi dénué d'enjeu dramatique (malgré la volonté de développer un scénario très premier degré et surtout sans aucun intérêt), à la psychologie bourrine, au nombre impressionnant d'erreurs (le gaz lacrymogène censé faire perdre connaissance, un prétendu article 1764.3 de la Charte de l'Union Européenne qui n'existe pas dans la réalité, le siège d'Interpol à Londres alors qu'il se trouve à Lyon...) et d'approximations (par exemple une gare à Saint-Pétersbourg qui devient étrangement semblable à une française – normal, la plupart des scènes ont été tournées à la Gare Montparnasse), le tout pour un résultat n'offrant même pas le divertissement régressif basique d'un film de ce genre.