Da Vinci Covid, ou le Dan Brown du pauvre

Mais ou est Robert Langdon?!!

C'est la première question qui vient à l'esprit à l'issue de ces 2h45 de théories.
Tout y est : Théorie d'extermination massive, vaccin, nano-technologies, nouvel ordre mondial, Jacques Attali, Bill Gates, même le Vatican répond présent.

Nous sachions que vous ne sachiez pas, alors ouvrez les oeils bordel.
Jean-Michel Complot

La deuxième c'est : Est-ce vraiment du premier degré, ou plutôt une grosse marrade?

Non, vraiment, la question mérite d'être posée.
On assiste pendant près de 3 heures aux mêmes ressorts habituels des adeptes de la théorie du complot, du 11 Septembre aux illuminatis, des aliens bâtisseurs de pyramides aux Reptiliens et consort.
Le modus operandi est simple, commencer par poser quelques faits approximatifs, traités avec une musique inquiétante et des raccourcis douteux, mais qui posent cependant de vraies questions :
La gestion des masques, la communication du gouvernement, les possibles conflits d'intérêts, l'absence de consultation, de débat, bref, la gestion globale de la crise sanitaire Covid19. Mais également la qualité du traitement de l'information des médias mainstream et leur indépendance, sans oublier les dérives sécuritaires et liberticides.

Puis, par un processus d'enchevêtrement de commentaires, questions, affirmations, images, graphiques, tous faux ou presque, tronqués, tordus ou sortis de leurs contextes, distillés à toute allure (El Famoso Mille-feuilles), on en arrive à ingurgiter une soupe dont la révélation finale est grosso merdo:

Seriously?

Mais comment cette théorie, bourrée à craquer de fausses informations invraisemblables et contradictoires, débunkées par A+B en long en large et en travers, suscite quand même une large adhésion, en mode full premier degré, par des centaines de milliers d'Internautes?

L'art du montage petit, et l'irrepressible envie de donner du sens à ce qui en manque.

Le procédé de mille-feuille, de phrases évasives, de cuts percutants, de musiques inquiétantes, de vraies questions parfois, d'intervenants dont on nous invite à croire qu'ils sont légitimes. Tout cela est parfaitement maîtrisé. Et finalement, certains finissent par mordre à l'inénarrable "I Want To Believe"

Au point même de tomber dans toutes les contradictions :
Le film, qui repose sur le ressort des médias vendus, à la soldes de l'élite commanditaire du virus, vient piocher un nombre incalculable d'extraits sensés éveiller notre conscience, dans.... ces mêmes médias mainstream vendus....
Les riches sont sensés se débarrasser de nous les pauvres , en oubliant la plus élémentaire des notions économique : tous les paradis des riches reposent sur le travail des pauvres.

Inception à l'ère de la post-vérité, ou l'art de déservir son propos.

Finalement, le leitmotiv du film, qui est d'éveiller nos consciences, titillier notre sens critique, fini en réalité par totalement le tuer, en nous ôtant tous doutes, en omettant les contradicteurs.
Pire il dédouane finalement les responsables des quelques vraies bonnes problématiques posées : Le gouvernement, les médias peu scrupuleux et autres médecins mégalo-médiatiques en sortent finalement blanchis, car les tireurs de ficelles sont plus haut.

Un bon gros gâchis

Surfant sur la défiance légitime et la crise de confiance peuple/gouvernement justifiée, le film agit comme un bon gros Xanax, il endort. Il supprime la réflexion, il fait rire aussi.
C'est dommage, il y avait tant à dire sur cette gestion de la pandémie, sans devoir monter de toutes pièces ces contre vérités. Ou bien alors, peut être aurait il fallu en faire un vrai film, une fiction assumée, avec Robert Langdon en enquêteur, et Dan Brown au scenario.

Fallait il pour autant l'interdire?

Et bien non je ne pense pas.
Quelle erreur même. Ce n'est pas parce qu'un film est un navet qu'il faut le supprimer.
C'est même la meilleure manière d'en faire la promotion.
Pire, pour un complotiste, censurer équivaut à un aveu de vérité, une révélation, une validation de la conspiration.

Great reset ou Great Risette?

En tout cas, le film a le mérite de révéler des choses sur cette époque ou les débats polarisés et l'hystérisation des arguments germent dans le terreau des vérités alternatives.
En ces temps troublés, ou la réalité est complexe, morose, grise, les gens ont besoin qu'on leur racontent des histoires, si possible sensationnelles, même si c'est contre productif. Du moment qu'elles balayent l'anxiété de l'expectatif et des nuances de gris, par une émotion plus facile à appréhender, quitte à ce que ce soit la peur.
Et les gens en redemande, car certains préférent croire en ce qu'ils veulent, plutôt que de douter sur ce qu'ils ne veulent pas.
Putain vivement que les ciné réouvrent.

3/10, pour la rigolade, et pour les futures études sociologiques sur le sujet.

Le problème avec les citations sur Internet, c'est qu'on est jamais
sûre des sources.
Albert Einstein