--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au neuvième épisode de la sixième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/The_Invisibles/2413896
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---
Curieux ce que l'invisibilité produit sur les grands noms... Hier l'immense surprise d'un chef-d’œuvre signé par un Carpenter jusqu'à présent décevant, et aujourd'hui la cuisante déception d'un Verhoeven en qui j'avais parfaite confiance. Curieux tous ces paradoxes autour de ce personnage insaisissable. Il ne fait de toute évidence pas peur, tous les essais, réussis ou non semblent aboutir à la même conclusion. Pourtant nombre de films semblent convenir que ce qu'on ne voit pas est ce qui fait le plus peur (oui je vais encore citer La Féline...). Verhoeven partait donc dans une direction qui semblait être la bonne, en voulant renouer ce personnage avec le film d'horreur (alors qu'on n'avait plus fait depuis longtemps que des comédies et des films d'action). Mais bon, nope, toujours pas, l'homme invisible en monstre terrifiant, ça ne prend pas. Je ne me l'explique pas vraiment. Enfin si, peut-être au moins partiellement. J'ai l'impression que vouloir inclure un personnage invisible à une histoire, c'est tellement handicapant, pour la narration et pour la mise en image, que mise en scène et personnages n'auront de cesse que de chercher à le rendre visible. Et en cherchant à le rendre visible, ils n'arrivent bien souvent qu'à le rendre risible. Ce soir encore, c'est quoi ce masque en silicone ridicule, avec cette scène d'application qui semble nous montrer l'ensevelissement du pauvre docteur sous une avalanche de bubble-gum ? Pourquoi l'homme invisible passe-t-il son temps à se vêtir, pour se souvenir deux minutes plus tard qu'il aurait plus besoin d'être invisible que d'être habillé, et donc ôter ses nippes aussitôt ? J'avais l'impression que la seule utilité de la chose, c'était faire crier le film à mes oreilles : « tu as vu ! C'est rigolo parce que en fait il est tout nu ! ». Oui bon, sauf que le personnage se révélant être un pervers sexuel, je trouve plus ça malaisant que rigolo. Est-ce que c'est le but ? Parce que malaisant ne veut pas dire horrifique, et j'ai rarement entendu quelqu'un dire « moi j'adore les films de malaise, c'est incroyable tout ce que le cinéma peut te faire ressentir ! ». Pourtant ce soir, j'ai l'impression que Verhoeven a glissé sur l'horreur, pour atterrir le cul en plein dans le malaise. Entre ce discours assez abject sur la condition animal (non ce n'est pas qu'un trait de caractère d'un personnage en tout odieux, puisque la seul à défendre une éthique animale se voit ridiculisée aux yeux du spectateur par cette « sensibilité », tandis que le bon professeur n'est lui montré qu’exerçant correctement son métier) ; et évidemment ce discours sur le viol plus que douteux (on cautionne pas trop qu'il viole la dame, mais bon en même temps regardez son visage, on dirait presque qu'elle y prend du plaisir. Et puis bon l'autre elle fantasme qu'il vienne la violer dans son sommeil, c'est bien qu'il a un peu le droit de faire ça, non?), il résulte du film un sentiment nauséabond de patriarcat vieillot et toxique. Quand on relie le film au *Starship Troopers* qui le précède de trois ans, on se demande un peu où sont passé l'avant-gardisme et le sens de l'ironie de son réalisateur.
Je ne juge pas particulièrement utile de dédier un paragraphe entier à la stupidité profonde du scénario, et pourtant je vais tout de même me défouler à le faire. Si ça ne t'intéresse pas (je te comprends), ou si tu ne veux pas de spoil (franchement épargne toi du mal, avec ou sans spoil le film est mauvais), je te conseille de passer directement à la suite. Cependant je ne peux pas aller plus loin sans prendre deux minutes pour continuer de critiquer un peu plus cette histoire sans queue ni tête. J'ai littéralement passé la deuxième moitié du film à hurler sur ma télé pour réclamer aux personnages d'agir de manière un peu plus cohérente (malgré le fait que je m'étais armée d'un chat noir et de graines de citrouilles, ces incantations n'ont pas fonctionné, le film est donc toujours aussi mauvais depuis que je l'ai regardé. Désolée, je ne manifeste vraiment aucun talent pour la sorcellerie, mais j'aurais au moins essayé). Verhoeven se veut ingénieux ici en mettant en action non pas de gros guerriers body-buildés et vomissant de la testostérone, mais des scientifiques geek et gringalet qui s'en sortent (enfin seulement ceux qui ne sont pas des personnages secondaires) grâce à leurs cerveaux brillants. Force est de constater qu'Iron Man réussi bien mieux à cet exercice que notre clique de tordus en blouses blanches. Ils passent leur temps à courir en tout sens comme des poules sans têtes. Quand finalement il leur est proposé de prendre le temps de réfléchir à une solution plutôt que d'essayer de tirer dans toutes les directions sauf celle de l'homme invisible (c'est dommage, ils avaient pourtant brillamment trouvé moyen de le révéler), ils utilisent des procédés inutilement complexes, alors qu'une solution plus rapide et plus efficace était juste sous leur nez (on voit tous que la chambre froide peut également être orientée vers des températures très chaudes, alors pourquoi s'embêter à faire un feu sérieusement ?). Si ce n'était que ça, j'aurai pu vouloir donner le bénéfice du doute au film d'avoir voulu montrer des personnages si intelligent que cette intelligence même devient leur faiblesse, et qu'ils n'ont plus aucun réflexe ni instinct de survie dans une situation qui leur demande d'agir efficacement et rapidement, alors qu'ils sont habitués à réfléchir pendant plusieurs jours, mois, années, à des problèmes très complexes (au passage j'adore ces scènes insensées de séquençage informatique, exemple flagrant de « futur du passé », où on nous montre de manière nébuleuse que l'ordinateur à tube cathodique est très intelligent). Mais, bien que je n'ai de toute manière aucune envie d'accorder le bénéfice du doute à un film qui me laisse volontairement douter quant à son positionnement face au viol et divers autres abus sexuels, celui-ci fini de se saborder en beauté sans aucune bonne excuse possible, en faisant survivre un personnage qui était indéniablement au cœur d'une explosion chimique qui a mis le feu à tout le laboratoire. L'homme invisible est peut être invisible, mais rien n'a jamais ni dit ni montré que son corps avait de quelconques habilités de résistances plus élevées que la moyenne, surtout pas la scène du lance-flamme qui la précède tout juste. Je passe sur le double ratage du coup fatal qui manque de coûter la vie deux fois à ces crétins de supposés génies, c'est tellement stupide que ça ne mérite même pas d'être développé.
Pourtant, le film de ce soir m'a tellement surprise en me décevant que je reste intriguée par cet insaisissable personnage. Monstre raté et concept à la profondeur trop boudée par les films de genre au sens large, si l'homme invisible n'intéresse plus la créature en moi, il continue de capter l'attention de ma facette cinéphile. J'irai donc au bout de cette enquête, qui d'ailleurs tourne court car, au sens strict que j'avais établi dans un premier temps en excluant l'invisibilité par assistance d'un objet magique, il ne me reste plus qu'une poignée de film sur ce sujet à visionner. Et puisque je commence à accumuler un retard qu'il me semble désormais impossible à rattraper dans la lecture de la saga Harry Potter, je prendrai conséquemment du retard sur le visionnage de son adaptation. Le mois-monstre va donc traîner cette année, peut-être même probablement déborder sur l'année prochaine, mais qu'importe, de toute façon l'exploration de Poudlard a toujours été un peu à part dans le programme du mois. Et puisque je ne cherche plus à retrouver la trace de l'homme invisible, peut-être que de retourner sur les bancs de l'école me donnera sujet à réflexion quant à la véritable identité de mon problème.