On vous a sans doute souvent déjà présenté cet Hollow Man : L'Homme sans Ombre comme l'un des opus les moins réussis de la période américaine de Paul Verhoeven, sombrant dans un aspect série B fortement marqué qui n'a pas plu à grand monde au moment de sa sortie.
C'est dire si le film conserve donc une certaine marge, surtout au vu de la récente réhabilitation, hilarante du reste, de son pourtant unanimement conspué Showgirls en 1995. Et donc passé de fond du panier et de bête à Razzies à classique instantané de la vulgarité américaine croquée avec avidité par un européen étranger au système.
Nous ne sommes donc pas à l'abri d'un énième retournement de veste lamentable des plus opportunistes.
Bien sûr, j'avais kiffé comme c'était pas permis, à l'époque, en 2000. De manière évidente. Parce que tout d'abord, les effets spéciaux étaient jamais vu pour l'époque, faisant disparaître des animaux et des hommes dans une mise en scène ultra graphique, donnant l'impression que des écorchés s'étaient littéralement évadés des muséums d'histoire naturelle ou des plus grandes facs de médecine et qu'ils étaient dotés d'une vie propre. Dans un processus violent, éprouvant et cru.
Des effets spéciaux toujours aussi impressionnants vingt-cinq ans plus tard, ce qui en dit beaucoup sur leur excellence et leur efficacité.
Et puis, malgré certains compromis parfois assez visibles, Verhoeven n'abandonnait cependant pas sa hargne et son regard désabusé qu'il porte sur la nature humaine et sa noirceur qui n'attend qu'à pouvoir être libérée pour mieux s'exprimer. Il y a sans doute du Platon dans ce Hollow Man et dans l'évolution de son grand méchant, Sebastian Caine, qui se prend littéralement pour Dieu et ne pense qu'à étancher ses penchants voyeuristes et ses plus bas instincts.
Mais le ver n'était-il pas déjà dans le fruit, au regard de son arrogance affichée, de l'emprise qu'il exerce sur son équipe et sur son ex-compagne sous couvert d'intense charisme ? Le premier plan du film annonce en tout cas le caractère agressif de l'invisibilité dans lequel Caine va se dissoudre, comme son corps tout entier à l'occasion de sa disparition du royaume des vivants et de sa tentative avortée de retour. Comme si sa noirceur le retenait de l'autre côté du miroir.
Et puis, ce qui est peut être le plus fascinant, c'est que pour Verhoeven, filmer l'invisible consiste... A rendre visible le mythe le plus souvent possible et par tous les moyens, même les plus évidents. Comme ce simple masque de latex épousant les contours du vide, bien plus flippant et dérangeant que tous ceux adoptés par les boogeymen anonymes hantant les slashers standardisés. Soit l'exact contraire de la démarche adoptée par Leigh Whannell pour sa propre approche du personnage vingt ans plus tard avec Invisible Man, en investissant le vide pour créer la tension et la paranoïa.
Mais là où ce dernier n'a finalement rien inventé, c'est qu'en 2000, Hollow Man : L'Homme sans Ombre parlait déjà du harcèlement et des violences faites aux femmes, de cette volonté de posséder sans concession ou de détruire, dans une relation que l'on ne qualifiait pas encore de « masculinité toxique ».
Avoir raison vingt ans trop tôt dans le cadre d'un « simple » thriller aux accents horrifiques et avoir réussi un nouveau film qui passe l'épreuve du temps, voilà sans doute le plus grand tort du hollandais violent.
Behind_the_Mask, pas vu, pas pris.