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Le début du film laisse présager une ouverture. L'imaginaire ouvre une porte, l'écran du cinéma ouvre une fenêtre sur la mer. Comme si on espérait faire revenir à la vie ce public mort ou endormi du premier plan.


Mais le tableau, se voulant onirique, se révélera monotone. Le comédien-artiste se prépare dans sa loge mobile, en vue d'incarner un personnage, parmi une succession d'autres au cours de la journée. La loge est vaste et il est seul, comme tout le monde. La loge est vide et il joue la comédie. Comme tout le monde.


La traversée des possibles se fait sur un ton désabusé.


L'art se retrouve cloisonné dans la banalité du quotidien. Sans spectateurs pour l'observer et sans envie réelle chez l'artiste qui l'incarne, retranché dans un espace qui le dépouille de tout son sens. On n'anime ni ne s'anime plus. Devenu une sorte de miroir sans personne pour s'y refléter, un théâtre de zombies, il n'est plus que l'ombre errante de ce qu'il a été ou est censé être, profondément absurde et vain. A l'image de tout le film.


Car d'une part, il est quelque peu infondé. Il ne questionne pas le rôle du cinéma, mais son non-rôle. D'un côté, si les salles perdent de leurs spectateurs, elles sont loin d'être totalement vides, alors pourquoi se cantonner à être excessivement défaitiste ? Et d'un autre côté, plus généralement, l'art et les histoires ayant toujours plus ou moins accompagné l'humanité, rien ne sert d'avancer leur mort. C'est dérisoire.


D'autre part, en étant davantage un requiem qu'une ode au cinéma et plus largement à la vie, il ne tente même pas de nous réveiller de nos sièges. il ne fait que nous laisser dans une sorte de léthargie nourrie de fascination morbide et superficielle.


Vous ne verrez strictement rien de plus que dans la bande annonce. La peinture d'une errance, certes séduisante dans la forme, d'une beauté froide et intrigante, qui se fonde sur pas grand-chose et n'ouvre en vérité à rien.


Le spectacle est mort. Il a perdu l'impulsion première et fondamentale qui l'anime. Il a été dépouillé de tout son sens, de toute sa valeur. Il est désincarné, comme ce comédien qui fait vivre ses personnages sans lui-même y prendre aucun plaisir. Comme un pantin mort à l'intérieur, un cadavre ambulant. Il joue sans plus y croire. Par résignation. Il en ressort que le film lui-même, plat et austère, semble dénué de toute envie et presque accepter cette mort de la création.


Holy Motors fait sens. Ce qui n'empêche pas, selon moi, qu'il soit vide de substance et de portée. Il vient explorer la facette désabusée de l'artiste, cantonné dans les retranchements du spectacle invisible. Ne détournez pas le regard. C'est ce qu'il prétend vouloir dire, mais il ne nous y aide pas. Le film ne dépasse pas, selon moi, le tableau du pur désenchantement. Il semble être la pierre tombale un peu fantasmée de l'art et du rêve. La "beauté" devient là absurde alors qu'elle est censée être le moteur, nous faire croire en la vie. Ça relève pour moi carrément de l'anti-création. Créer, c'est faire naître, transmettre. Pas tuer. Faire de l'art pour dire que l'art est mort, sans volonté apparente de le ranimer, c'est vain. Même malsain. On peut en venir à se demander si le but de l'auteur est d'avertir de la mort du cinéma ou finalement de la signer lui même.


Où est la poésie si on n'y croit plus ?

Smeagol
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le 6 juil. 2017

Critique lue 284 fois

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Smeagol

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