Leos qu'arrache - On dit que la beauté est dans l'œil, dans l'œil de celui qui regarde
L'exercice de la critique s'avère extrêmement compliqué face à une telle œuvre. En effet, on peut être tenté de théoriser, d'analyser, de se livrer à une masturbation cinéphilique en égrainant les références.
Mais appréhender ainsi "Holy motors" est selon moi une erreur. A trop vouloir intellectualiser l'art, on passe parfois à côté.
Au même titre qu'un Weerasethakul ou qu'un Assayas *, on taxe souvent le cinéma de Carax de prétentieux, de snob, alors qu'il s'agit seulement d'un cinéma, certes ambitieux, mais surtout généreux et qui fait confiance à celui qui le regarde.
Ici l'enfant terrible du cinéma français nous propose de partager une expérience avec lui, de voyager à ses côtés dans LE cinéma, de devenir le temps de 2 petites heures acteur et non plus simple spectateur. Si vous acceptez l'invitation, il vous sera juste demandé d'ouvrir bien grand vos yeux et vos oreilles... et votre cœur aussi.
Accompagné de Mr Oscar (IMMENSE Denis Lavant puissance 11), vous visiterez Franju, Feuillade, Buñuel, la comédie musicale hollywoodienne, le drame intimiste, le film de yakuzas, le cinéma d'action...
Vous vous maquillerez, vous vous travestirez au son de la "Marche funèbre" de Chostakovitch pour aller tourner une scène en motion capture d'un érotisme suffocant, vous irez chanter sur les toits de La Samaritaine aux côtés d'une Kylie Minogue hitchcockienne. Votre chauffeur, la si troublante Edith Scob, vous mènera d'Étienne-Jules Marey à Eva Mendes vous permettant l'espace d'un instant de redevenir Mr Merde ( http://www.senscritique.com/film/Tokyo/critique/6733661 ). Vous aurez même le droit à un petite entracte en compagnie d'une bande d'accordéonistes fous reprenant "Let my baby ride" ( http://youtu.be/lDcnIVdzyS4 ), avant de finir chez vous aux côtés de deux chimpanzés (dans l'une des plus belles scènes de fenêtre de l'histoire du cinéma). La boucle ainsi bouclée, nous voici redevenus ce que nous sommes au bout du compte.
Et peut-être que comme moi vous finirez en pleurs en entendant la voix de Manset entonner "Revivre"... http://youtu.be/Oq0OxtM93mk
"On voudrait revivre.
Ça veut dire :
On voudrait vivre encore la même chose.
Refaire peut-être encore le grand parcours,
Toucher du doigt le point de non-retour
Et se sentir si loin, si loin de son enfance.
En même temps qu'on a froid, quand même on pense
Que si le ciel nous laisse on voudra
Revivre.
Ça signifie :
On voudrait vivre encore la même chose.
Le temps n'est pas venu qu'on se repose.
Il faut refaire encore ce que l'on aime,
Replonger dans le froid liquide des jours, toujours les mêmes
Et se sentir si loin, si loin de son enfance.
En même temps qu'on a froid, qu'on pleure, quand même on pense
Qu'on a pas eu le temps de terminer le livre
Qu'on avait commencé hier en grandissant,
Le livre de la vie limpide et grimaçant
Où l'on était saumon qui monte et qui descend,
Où l'on était saumon, le fleuve éclaboussant,
Où l'on est devenu anonyme passant,
Chevelu, décoiffé, difforme,
Chevelu, décoiffé, difforme se disant
On voudrait revivre, revivre, revivre.
On croit qu'il est midi, mais le jour s'achève.
Rien ne veut plus rien dire, fini le rêve.
On se voit se lever, recommencer, sentir monter la sève
Mais ça ne se peut pas,
Non ça ne se peut pas,
Non ça ne se peut..."
* Qui lui aussi s'était prêté à un merveilleux hommage au cinéma de genre avec "Irma Vep"