"Holy Motors", où Carax renaît (encore) de ses cendres
Parler de ce film pourrait paraître presque impossible, tant il peut sembler inexplicable et condamné à une opposition ardue entre fans ou détracteurs du cinéaste. Dans la catégorie des premiers, j'expliquerai ici toutefois ce que j'ai pu ressentir en tant que spectateur mais aussi en tant qu'homme. Car l'on ressort de ce film comme lorsque l'on évacue une boîte de nuit pour rejoindre un quelconque bus de nuit : euphorique, exalté, mais le corps tordu, fatigué, et l'esprit ailleurs, entre rêve et début de gueule de bois. Un film "sensationnel", donc.
Toute la perception de la vie et du cinéma de Léos Carax se résume au visionnage de la première séquence. En effet, il y crée une mise en abîme de sa passion pour le 7ème Art, à travers laquelle il vit, avec ce grand écran montrant des scènes muettes d'êtres humains en mouvements, ces bruits de me et de mouettes, et un public présent et attentif. Le cinéma comme une impression et un besoin de rêve, d'évasion... Un film sur la vie aussi donc, tel que la voit le réalisateur : confuse, fulgurante ou passionnelle, violente (avec de, comique et tragique, où chacun ne joue pas qu'un rôle mais plusieurs, en fonction des inflexions du destin, au risque de se perdre entre chacun d'eux. La vie, c'est aussi le cinéma.
Toutes les étape de la vie y passent: de l'enfant qui sort de sa première boum au vieillard (riche), mourant dans son lit. Du père de famille inquiet et soucieux à l'homme perdu dans ses multiples histoire sentimentales, rêvées, espérées ou ayant réellement existé. Il y a toujours chez Carax cette volonté habituelle de ne rien cacher des imperfections psychiques et physiques des êtres humains: sang et sentiments sont de fait mêlés. Il n'en abandonna pas moins un humour aussi cynique que désabusé, à travers les différents tableaux mis en scène: notamment avec Mr Merde et l'enlèvement d'une mannequin (ou deux bêtes formalisées ou non par leur environnement extérieur), ou encore la scène finale, ce retour au foyer familial d'un homme pour retrouver sa famille, des guenons. Comme si la vie humaine en était réduite à de la "monnaie de singe". Une vision réaliste et désabusée du train train humain.
Sa nouvelle oeuvre est à merveilleusement filmé, à tel point que, même si l'on ne comprend rien à ce numéro scénaristique, chacun ne s'y ennuiera pas une seule seconde et reconnaîtra le talent de prestidigitateur de Carax. Paris sied toujours aussi bien au cinéaste, au point de rendre un hommage à la fois sincère et glacial à son film "Les amants du Pont Neuf", avec ce dialogue musical entre Kylie Minogue et Denis Lavant dans la Samaritaine. Il n'en oublie pas de diriger une équipe d'acteurs hétéroclite, menée de main de maître par le trop souvent oublié Denis Lavant. Mention spéciale également à Edith Scob (belle et dernière preuve d'un hommage appuyé au cinéma de Georges Franju ici), Eva Mendes ou encore Kylie Minogue, émouvante et signant une performance musicale magnifique sur une composition de Neil Hammon.
Une critique by Vinçou T du blog Format 35