C'est l'histoire de M. Oscar, un «comédien à gages» qui parcourt Paris dans une immense limousine pour effectuer des missions mystérieuses au cours desquelles il endosse différentes personnalités, à grands renforts de masques et de maquillages sophistiqués. Au fil d'une dizaine de sketches, le scénario aligne des situations extrêmes, comme l'enlèvement dans un cimetière d'un top model (Eva Longoria) par une sorte de satyre friand de bouquets mortuaires ou l'exécution d'un malfrat dans une parodie de film noir, ou plus banales, comme le banquier du début qui se transforme en mendiante avant d'enfiler le costume d'un acrobate numérique dans une scène d'amour virtuelle avec une contorsionniste...

Prometteuses sur le papier, les saynètes vaguement surréalisantes qui constituent le scénario de Holy Motors apparaissent terriblement artificielles et surtout totalement vides de sens à l'écran. Si les histoires d'amour romantiques des précédents films de Carax pouvaient retenir l'attention par leur naïveté jusqu'au-boutiste, les provocations d'ado attardé de «Holy Motors» ne suscitent guère qu'un ennui poli, malgré la prestation ébouriffante de Denis Lavant, acteur fétiche de Carax et alter ego du réalisateur qui lui fait endosser tous ses fantasmes. Parabole trop transparente sur les difficultés du cinéaste à réaliser ses projets, le film laisse surtout apparaître l'impuissance créatrice de Carax, incapable de donner chair à de vrais personnages. D'où cet alignement de séquences qui se veulent dérangeantes mais manquent cruellement de mystère et de poésie, malgré d'innombrables références à un cinéma que Carax s'efforce en vain de copier, celui de Bunuel, de Cocteau et surtout de Georges Franju à qui «Holy Motors" est dédié. La présence de la merveilleuse Edith Scob (rendue célèbre dans «Les yeux sans visage» (1960) de Franju) au volant de la loge-limousine qui conduit Denis Lavant à travers Paris, ou l'apparition de Kylie Minogue en clone de Jean Seberg dans la meilleure séquence du film, apportent certes un supplément d'âme à la mécanique trop voyante de ce «Holy Motors», tout comme l'apparition fantomatique de Michel Piccoli. Cela ne suffit pas pour autant à en faire autre chose qu'une curiosité, assez laborieusement filmée par ailleurs. Pour le génie, il faudra patienter!


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SteinerEric
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le 12 sept. 2024

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Eric Steiner

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