Newman ou la classe américaine
Paul Newman en cow boy, c'est ma première fois, et je ne regrette pas.
Le film est une réussite, critique à la fois d'une bourgeoisie snobante et d'un racisme porté au paroxysme de l'absurdité grâce à ce personnage de John Russel/Hombre. La mise en scène est simple mais efficace; le scénario, minimaliste, fonctionne très bien et évite les clichés trop faciles notamment celui d'une romance aussi qu'inconvenue qu'inutile.
Le film possède néanmoins quelques défauts durant la première moitié du film: les personnages ne sont pas suffisamment mis en scène dans cette roulette. Il y a certes des dialogues très prenant, mais on manque d'identification, de petites histoires délivrées par leur intéractions, d'une construction plus solide en amont de ce qui aura des répecussions en fin de course. En ça, la première partie captive moins; la mise en scène restant sobre (les paysages ne sont pas particulièrement mis en avant non plus), il ne reste rien au spectateur pour se raccrocher; attention, on ne s'ennuie pas, heureusement, mais le film ne procure pas ce petit gargouillement magique dans le ventre non plus.
Puis arrive "Mr Trouble" et les ennuis peuvent commencer... ainsi que l'exaltation. On avait bien compris que Newman lorgnait plus du côté d'un Eastwood, d'un Wayne ou d'un McQueen (pour ne citer qu'eux) plutôt que d'un Harisson Ford (pour ne citer que lui), et pourtant lorsqu'il peut enfin donner vie à toute son ampleur, elle même sobre et minimaliste,on en reste bouche bée. Le peut ayant été construit, même aussi faiblement, prend désormais une dimension des plus angoissante; le spectateur peut alors anticiper les problèmes à venir, mais sans pour autant gâcher l'intérêt du film; car si l'on sait qui posera problème et pour quelle raison, on ne sait jamais comment Hombre arrivera à en réchapper.
Newman et son personnage sont bel et bien l'attraction du film. Pourtant, dans un premier temps, ce sont surtout les autres protagonistes qui lancent la mécanique narrative, le spectateur se demandant alors pourquoi donner au titre du film le nom de ce personnage si passif; c'est dans ces non-actions, et ces non-dits que la légende s'écrit, que sa personnalité se déploie au mieux, car Hombre, il n'attend rien de l'"autre"... il trace juste son chemin du mieux qu'il peut; et s'il n'attend rien de l'autre, c'est parcequ'il sait, de son vécu, que l'autre n'a rien à lui donner, rien à partager, si ce n'est cette étonnante capacité à se tourner vers la contradiction humaine. Ce trait de caractère, Hombre décidera lui même de s'y jeter, à tous risques, dans un moment innatendu, ou plutôt attendu afin de nous démontrer que son pessimisme n'est que le fruit d'une vie gâchée, et non un constat glaçant de vérité. Le film se termine alors sur une note plutôt ambigue en dépit de sa simplicité, laissant ainsi le soin au spectateur de décider pour lui si l'humanisme vaut le coup d'être défendu ou pas.
Bref un western plutôt atypique, brassant des thématiques suffisamment honorables pour l'intellectuel, mais s'attardant également sur les personnages et l'action pour maintenir éveillé celui qui préfèrera se boucher les oreilles. A voir!