L’année 2024 est riche en paris fous de cinéma : alors que Coppola sort son bien nommé Megalopolis et qu’à une échelle plus locale, Gilles Lellouche met toute son énergie dans l’excessif Amour Ouf, Kevin Costner rejoint lui aussi la danse des projets à risque. Horizon, qu’il porte depuis des décennies, entend ainsi rejouer le coup de poker qu’il avait tenté avec Danse avec les loups il y a près de 35 ans : contre l’avis général, renouer avec la grande tradition du western dans un film ample, épique et à l’ancienne.
Les superlatifs ne manquent pas pour vendre Horizon, superproduction dans laquelle le comédien/réalisateur a pour partie investi sa fortune personnelle. Prévue sur 4 volets pour une durée avoisinant les 12 heures, la saga entend couvrir quinze années autour de la guerre de Sécession, et traiter de toutes les thématiques propres à la conquête de l’Ouest.
Il serait malvenu de fustiger une telle ambition consistant à se battre pour un retour du grand western sur grand écran. On ne peut a priori que se réjouir de voir naitre un tel projet, qui va prendre le temps de développer ses personnages, multiplier les décors et rendre sa noblesse à la salle. Et c’est avec une conviction sincère que le réalisateur travaille ces éléments, d’autant plus que l’on va forcément s’interroger sur ce qui va distinguer ce film d’une série.
C’est là toute la réelle prise de risque de ce premier volet, qui doit composer avec des ambitions contradictoires : en mettre plein la vue tout en amorçant un univers en voie de déploiement. Le film propose assez rapidement une attaque indienne de colonie d’assez belle facture, prouvant que Costner n’a pas perdu la main en matière de mise en scène ; les paysages sont superbes et la reconstitution de qualité. Mais cette quantité vouée à se développer par la suite ne va pas cesser de s’accumuler, au long d’un interminable montage parallèle multipliant les intrigues, les personnages et les lieux, ne laissant jamais le temps au spectateur de réellement s’impliquer. Sur le principe de la série, qui demande toujours un certain nombre d’épisodes pour garantir une pleine immersion dans le récit, le film dilue ses enjeux à force de vouloir trop en offrir.
En résulte trois heures d’exposition durant lesquelles on va surtout voir les coutures : des personnages archétypaux, une convocation de tous les poncifs du western, et un équilibrage moral on ne peut plus frileux pour mettre en regard bons et mauvais indiens, gentils et méchants blancs, maman et putain au grand cœur, etc. À l’heure où Hollywood tremble et proteste face à l’arrivée de l’IA dans les processus créatifs, on a l’impression d’en voir ici un exemple concret : Horizon remplit le cahier des charges, coche toutes les cases, promet des arcs et des développements, bref, répond aux exigences. Mais il est totalement dénué d’âme ou de souffle, et lorsqu’il pense en donner, insuffle du lyrisme par une musique pompière proprement insoutenable. Pas de quoi faire vibrer le spectateur pour aller se farcir les 9 heures à venir, qui restent d’ailleurs on ne peut plus conditionnées par le succès des deux premiers volets, sachant que le premier semble faire un démarrage très timide outre-Atlantique.