Humanisme sans angélisme
Le mot lui-même, autisme, n'est presque jamais prononcé dans Hors normes, non pour nier cette "différence" mais plutôt pour éviter de coller une étiquette tellement réductrice et bien pratique...
le 23 oct. 2019
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Le duo Nakache-Toledano est décidément un duo gagnant ! Ils ont trouvé la solution pour viser, atteindre et ravir un très large public, en réalisant un film glamour et enthousiasmant sur un sujet difficile, douloureux et dont la plupart des gens se détournent, l’autisme et sa prise en charge institutionnelle, sans pour autant consentir la moindre concession quant à une exigence de qualité et d’exactitude.
Car tout est « hors normes », dans l’univers ici dépeint : les jeunes patients pris en charge par Bruno (Vincent Cassel) et Malik (Reda Kateb), dans leurs associations respectives : des autistes difficiles, refusés par d’autres structures. Le casting mêle de véritables autistes, Joseph (Benjamin Lesieur), attachant en diable, débordant de tendresse et d’humour, et des acteurs, tel Valentin (Marco Locatelli, impressionnant, et que l’on jurerait pourtant véritablement atteint), traversé de violence et de peur. Les associations elles-mêmes, « Le Silence des Justes » pour Bruno, qui tient ici le rôle de Stéphane Benhamou, et « Le Relais IDF » de Malik, qui incarne Daoud Tatou, gambadent joyeusement en dehors des clous, ce que leur reproche l’IGAS, tout en reconnaissant leur efficacité et leur nécessité... « Hors normes », la volonté de Bruno, qui passe son temps à répéter « Je vais trouver une solution », manifestant un optimisme forcené que lui reproche son comptable... Le film lui-même est « hors normes », dans son pari d’associer ainsi des acteurs et d’authentiques patients, en prenant le temps nécessaire pour faire tenir les scènes.
Mais ce qui fait avant tout sa singularité, c’est que, loin d’être misérabiliste et dans le larmoiement, le film est porté, enlevé, transporté par un rythme incroyable, qui tout à la fois épouse celui des patients agités et combat l’abattement ou le découragement qui pourraient parfois s’installer face à tel cas ou telle situation. Mention spéciale au montage de Dorian Rigal-Ansous, qui réalise cette prouesse. Une phorie qui habite et galvanise aussi l’image, puisque Nakache et Toledano, qui côtoient et soutiennent depuis plus de vingt ans les deux associations de Benhamou et Tatou, ne montrent que cela : des patients mentalement, et bien souvent physiquement, ceinturés, pris à bras le corps, arrachés à eux-mêmes, et bien souvent sauvés, au prix d’un engagement lui aussi totalement fou, qui peut aller jusqu’à oblitérer toute vie personnelle et amoureuse...
Les deux réalisateurs, unis dans un même combat, ne placent pas au centre de leur récit la victime pour se repaître, d’une certaine manière, de ses malheurs, puisque ceux-ci leur permettrait d’alimenter un discours de lamentation ou de dénonciation ; au contraire, tournés vers la reconstruction et la lutte positive, ils mettent en lumière l’action de ceux qui sauvent et la formidable splendeur de leur investissement. Un positionnement radicalement singulier, qui permet à l’espoir de vivre.
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le 3 nov. 2019
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S'il y a un fil conducteur qui traverse toute la filmographie, désormais conséquente, du "couple" Nakache / Toledano, c'est indiscutablement le thème du "lien social", et de son importance capitale,...
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