Hors-saison
5.5
Hors-saison

Film de Stéphane Brizé (2023)

Spleen d’un acteur mélancolique

Après le désastre qu’était Lui, fable nombriliste et égocentrique de, avec et pour Guillaume Canet, j’avoue que la sortie d’Hors Saison n’était pas celle qui m’emballait le plus. Retrouver Canet, jouant son propre rôle d’acteur en plein questionnement, ne n’excitait guère.

Fort heureusement, le cachet Sélection officielle à la Mostra de Venise 2023, et surtout le nom du réalisateur Stéphane Brizé associé au projet, étaient des arguments rassurants.

Crevons le suspens tout de suite : aussi surprenant que cela puisse paraître, Guillaume Canet réussi à être touchant dans Hors Saison, en proie à une fragilité palpable. La réalisation d’autre part, si elle souffre de défauts certains, reste douce, poétique et empreint de tendresse et de mélancolie.

Le film retrace le séjour d’une semaine de Mathieu, acteur français très connu, dans un spa de luxe en bord de mer, durant la saison des pluies. Mathieu Canet est en proie aux doutes alors qu’il a lâché à 4 semaines de la Première un spectacle de théâtre dont il avait le rôle principal. Minable de sa part d’avoir planté toute l’équipe, Mathieu en est conscient et cela le met mal à l’aise. Vous voyez donc le tableau : embarras et états d’âme, même si le personnage reste persuadé que c’était la bonne solution pour éviter le ridicule.

Au cours de ce séjour de « remise en forme », Mathieu est recontacté par Alice, son ex italienne qu’il n’a pas vu depuis 15 ans, et qui a justement emménagé avec son mari et sa fille dans cette station balnéaire. Alice vit une vie bien rangée, entre ses cours de piano et ses interventions en maison de retraite. Leur rencontre ravive les souvenirs et les plaies laissées ouvertes…

Alba Rohrwacher incarne merveilleusement la femme mûre en prise au sentiment d’être passée à côté de sa vie. Sa prestation est subtile, douce et détachée et suscite indéniablement l’empathie.

Stéphane Brizé, que l’on connaît surtout pour La loi du marché, En guerre et Un autre monde – sa trilogie sur le monde du travail – s'aventure ici dans un tout nouveau registre, sans doute moins engagé et percutant, mais finalement assez nostalgique et triste.

A mon sens, l’un des problèmes principaux du film (outre ses longueurs sur la dernière demi-heure) est qu’il n’arrive pas à tenir son point de vue. Toute la première heure est perçue à travers le regard et les émotions de Canet. On le suit dans ses rencontres du personnel de l’établissement thalasso, dans ses appels à sa femme ou à ses collaborateurs, et c’est à travers ses yeux que nous reconstituons l’histoire passée avec Alice. Or, cet angle d'attaque du film est brutalement rompu. Subitement, au cours d’un long plan séquence d’une interview d’un personnage secondaire, le point de vue n'est pas tenu. La rupture est radicale et m’a instantanément sorti du film. Dans les scènes qui suivent, c’est Alice que nous suivons dans sa vie quotidienne. On perd le fond de l’intrigue, la trame de l’histoire, le regard de Mathieu. Cela crée une distance qui m’a gêné toute la seconde moitié du film.

La musique joue par ailleurs un rôle très important dans Hors Saison. Le chanteur et compositeur Vincent Delerm a d’ailleurs été très mis en avant dans la communication sur le film. En témoigne son nom précisé sur l’affiche, à la même taille que celui du réalisateur. Pour les fans du chanteur qui espèrent profiter avec le film de chansons made by Delerm, sachez que le seul endroit où l’on entend sa voix est dans la bande annonce. Les « ta-da-ta-dam » de son timbre si reconnaissable ne sont pas repris dans le film (pour la bande annonce, il fallait entendre sa voix, argument marketing oblige). On se contentera – et c’est déjà très bien ! – de belles mélodies au piano dont Delerm a le secret.

Hors Saison, malgré ses défauts et au-delà de son petit côté rétro Un homme et une femme un peu désuet, ne laisse pas indifférent : le film parvient à toucher la corde sensible des spectateurs avec une histoire un peu simple mais émouvante.

D-Styx
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le 22 mars 2024

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D. Styx

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