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La brute, la brute et la brute : l'Amérique

L'Amérique en toute violence.


Ce western prend tout son temps. Ni chevauchée ni diligence, on trotte, la route est longue et le film aussi. On tire vers le contemplatif sinon le méditatif comme si les scènes d'action, d'accélération n'étaient là que pour nous réveiller, nous maintenir. C'est du café. On renonce au spectacle, au plaisir, un western qui se veut documentaire, essayiste. Un peu chiant.
Le traitement du film n'est pas classique malgré nombre de convenances du genre. Si le far west est dans le paysage, son immensité, sa profondeur, les cow-boys en sont absents ou ramenés à leur stricte définition pathétique à savoir des fermiers en territoire hostile que viennent ''pacifier'' les armées régulières du pays. Ils ne font pas les malins.


Il y a une dimension coloniale, impériale qu'on retrouve peu dans les westerns. L'aventure est martiale. Les villes sont encore des forts, on voit plus de bataillons que de chariots, de soldats que de civils, la ruée vers l'or n'est pas encore une ruée, les réserves indiennes viennent tout juste d'être créées, les natifs ne sont pas encore des singes emplumés par Buffalo Bill et ce n'est qu'à la fin du film que le rail apparaît, la civilisation occidentale clairement installée, sûre de son avancée. Le dernier des Cheyenne finit par porter le costume trois pièces tout en conservant les tresses traditionnelles. Après la conquête de l'Ouest, du dehors, celle du dedans, dans les têtes. Le film se situe dans cet entre-deux.


On est dans un monde transitoire mais déjà pourri, hypocrite et qui, c'est vrai, rend fou ou schizo. En apparence, le soldat protège la veuve blanche, combat contre l’indigène puis ensemble, avec lui, ils essayent la cohabitation après tant d’années de haine. Un ministre de l'Intérieur dirait : fermeté et humanité.... En réalité on passe de la conquête sanglante à l’humanisation de l'autre ou plus précisément à sa ''minorisation'' dans un espace et un temps désormais gagnés par les Blancs.


Voir, réfléchir, se résigner. C'est un western pessimiste. Le mal fait, la faute commise, tout semble trop tard : racisme, violence, impérialisme sont déjà constitutifs d'une Amérique sûre d'elle même. Le mal n'est pas seulement fait, il est banal. Un jour pour, un autre contre, toujours avec. Une histoire de la violence américaine. Notre capitaine a raison de se taire, on le dit bon mais parce qu'il n'est que du bon côté. Un homme d'honneur mais de quel honneur ? Du patriote mais patriote nordiste, contre la traite négrière ? L'honneur du soldat, de la guerre, du courage, du sacrifice ? Honneur chrétien ou cheyenne ? Le film restitue son devoir, nous jugeons son honneur. Et tout nous échappe et nous dépasse...

Zenishima
8
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le 27 juil. 2018

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