La séance se termine, le film marque la fin et commencent les bavardages et commentaires du public. D'autres gardent le fauteuil, le silence, ils méditent. On vient de voir des images fortes, une photo sublime, des acteurs superbes. Deux heures au paradis, deux heures fondues par une éternité de cinéma.


C'est trop, c'est pas assez, une famille jouissant de tous les conforts du monde, bourgeoise et cultivée, intellectuelle, prenant le jus d'abricot sous le soleil italien, aucune crasse, pas un rat mort dans la piscine.
Et il y a le fils, Elio. Doux et beau garçon au printemps de sa vie, printemps d'ennui et de subites clartés adolescentes, étincelles. De la musique, des livres, une copine. Et il y a le soudain, l'été brutal et chaud, le feu petit puis tremblant jusqu'au ciel. Elio ne rencontre pas l'Américain, le blond Oliver, archéologue en devenir, athlétique, chemise ouverte sur torse nue et musclée, il rencontre la bête, le fauve, les griffes et la fourrure, il rencontre l'Amour. Cette violence de joie se fait en douce, nue mais dans le noir, passé minuit ou ailleurs dans une clairière. Appelez ça Rimbaud, peut-être !


Nuit de juin ! Dix-sept ans ! - On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête...
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête...


Elio et Oliver s'aiment comme rarement au cinéma. C'est d'une puissance ! Ni saxophones de la mièvrerie ni d'adieux atomiques, des scènes d'amour belles de justesse et d'intensité sans artifices. Timothée Chalamet joue les dix-sept ans d'Elio avec une fragilité bouleversante, ses larmes silencieuses comme ses élans maladroits et touchants font sur lui quelque chose de sublime. J'en frissonne d'admiration.


Du film on conservera le sel de la beauté éternelle. On revoit ''Mort à Venise'' de Visconti, la silhouette fine et ferme de Tadzio au bord de la mer, figé à l'antique, pointant le crépuscule de son index gauche, la main droite sur la hanche. Il nargue les vivants, la vieillesse et la mort. Ce n'est pas un hasard si le père d'Elio, archéologue, traque les œuvres de Praxitèle ; il exhume de l'antiquité grecque un idéal de beauté et de bonté humaines, ''kalos kagathos''. Et voici son fils comme une réincarnation fugace mais forte et sublime de cette ''éternité'' antique, la beauté des statues devenue chair et sang, modèle sensible.

Achille, Antinoüs, Tadzio et voici Elio, le Beau et le Bon.

Zenishima
10
Écrit par

Créée

le 27 juil. 2018

Critique lue 270 fois

Zenishima

Écrit par

Critique lue 270 fois

D'autres avis sur Call Me by Your Name

Call Me by Your Name
Sergent_Pepper
8

Ce sédiment de l’été.

Par une savoureuse coïncidence d’agenda, Lady Bird et Call me by your name sortent le même jour en France en plus de partager un de leur comédien, qui de second rôle ténébreux dans le premier devient...

le 3 mars 2018

309 j'aime

18

Call Me by Your Name
Velvetman
8

Dolce Vita

Dans une Italie bucolique et pittoresque, Call me by your name de Luca Guadagnino nous raconte avec fièvre les premiers émois de deux démiurges. Le film est aussi solaire qu’un premier été, aussi...

le 1 mars 2018

146 j'aime

7

Call Me by Your Name
IvanDuPontavice
8

Au détour d'un été.

Il me suffit d'écouter en boucle ou de me repasser en tête le sublime morceau "Mystery of Love" de Sufjan Stevens pour retrouver cette sensation si particulière que peu de films arrivent à partager...

le 7 nov. 2017

124 j'aime

15

Du même critique

Hostiles
Zenishima
8

La brute, la brute et la brute : l'Amérique

L'Amérique en toute violence. Ce western prend tout son temps. Ni chevauchée ni diligence, on trotte, la route est longue et le film aussi. On tire vers le contemplatif sinon le méditatif comme si...

le 27 juil. 2018

1 j'aime

Dunkerque
Zenishima
8

Critique de Dunkerque par Zenishima

Nolan ne fait pas dans l'histoire mais dans l'épique, le tragique, le cathartique. Il suit la vieille, la très ancienne tradition d'Homère qui raconta non pas la guerre de Troie, mais sa guerre de...

le 4 août 2018

Call Me by Your Name
Zenishima
10

Un paradis nommé désir

La séance se termine, le film marque la fin et commencent les bavardages et commentaires du public. D'autres gardent le fauteuil, le silence, ils méditent. On vient de voir des images fortes, une...

le 27 juil. 2018