Nolan ne fait pas dans l'histoire mais dans l'épique, le tragique, le cathartique. Il suit la vieille, la très ancienne tradition d'Homère qui raconta non pas la guerre de Troie, mais sa guerre de Troie. Nolan raconte son Dunkerque. Il ne nous restitue pas l'événement, il en donne le sens, le sens du dunkirk spirit. Tant pis si les Français ou les troupes coloniales doivent en pâtir, on ne débat pas de la grandeur d'Achille. Le mythe, seul qui compte. Le documentaire, Nolan nous le laisse, le commentaire aussi. Il révèle puis disparaît dans les embruns maritimes. On est subjugués (ou pas) par l'Oeuvre. Elle est là, monumentale.
En leur temps, les Soviétiques ont eu leur Eisenstein et son "Octobre'' de génie. Les Britanniques auront attendu quatre-vingts ans pour connaître leur apôtre. Saint Jean alias Nolan. Dunkerque, l'apocalypse. Du grec "révélation", l'apocalypse de 1940 révéla aux Anglais leur caractère inexpugnable, leur perfidie diront les envieux. Le Destin les aime.
Que la catastrophe les écrase, les humilie, leur flegme n'a d'égal que le miroir tendu par Nolan. Il ouvre son film avec l'attente d'un miracle, il le déroule dans le chaos chaque fois recommencé, terriblement sublime, la musique pompière de Hans Zimmer vient amplifier le drame et le miracle imminent.
Le ciel bas et lourd, les colonnes de fumées noires, la tempête, la houle, l'écume qui bave sur des cadavres, les attaques répétées, de la terre au ciel, sur la mer, bourdons allemands dans leurs heinkel, puis vinrent des rafiots d'outre-manche pour sauver une nation. Épique !
Que la défaite militaire soit totale, la déroute absolue, la victoire est logistique, patriotique et morale. Une propagande victorieuse, un conte réalité. L'esprit de Dunkerque, confondu avec la réalité, l'action, les faits, est la raison du film et a raison de nous. On en devient Anglais.
No surrender!