Retour à la terre
Histoire d'un aller simple, Hostiles s'impose comme une ode au genre western qu'il investit, qu'il anime, qu'il magnifie. Scott Cooper a tout d'un grand et continue de questionner, tout au long de sa...
le 14 mars 2018
99 j'aime
18
Une famille exterminée, une maison qui brûle, des hommes traînés à cheval, une femme qui hurle à la mort, telles sont les premières images d'Hostiles. Dans une Amérique déchirée par la violence, le crime et la haine, natifs comme colons sont là, dans ce fort au milieu du désert. Si les uns sont captifs des autres, tous errent dans ce labyrinthe psychologique, prisonniers de leurs tourments.
Le capitaine Joseph Blocker, fatigué d'années de service qu'il s'est arrêté de compter, se voit confier une dernière mission. Il est contraint, sous peine de sanctions sévères, d'escorter son vieil ennemi, le chef de guerre Cheyenne Yellow Hawk, mourrant, ainsi que sa famille sur leurs anciennes terres tribales.
C'est là une tâche insoutenable que Joe ne peut supporter. Il ne peut venir en aide à celui qui lui a pris tant de ses amis, et dont il a lui-même décimé la tribu, hommes, femmes comme enfants. Les cicatrices sur son corps et son cœur en témoignent ses remords et sa rancœur.
À genoux, seul au milieu du désert, le personnage apparaît plus anéanti que jamais. Perdu dans l'orage qui gronde en lui comme dans le ciel, le naufragé de la vie frôle le suicide.
Mais le destin en a décidé autrement...
[Contient des spoilers]
Ainsi commence une riche aventure. Sur la route, de nouveaux personnages intègrent l'expédition, dont Rosalie Quaid, rescapée mais traumatisée du massacre de son mari et de ses trois enfants par les Comanches. Face à cet ennemi commun, les membres de l'expédition vont devoir mettre leurs ressentiments personnels de côté et coopérer pour survivre.
Débute ainsi un voyage métaphorique, symbole d'un cheminement intérieur pour les personnages. Véritable Chemin de Croix, ils se frayent, par delà les déserts, les rivières, les forêts et les plaines, un chemin vers la Rédemption. On les voit ainsi avancer en file indienne le long des crêtes, dans la lumière rasante d'un coucher de soleil, semblable à une lueur d'espoir. Mais à l'image des canyons qu'ils traversent, tortueux est le chemin. Certains se perdent ainsi dans les méandres de leur passé, ne peuvent plus porter le fardeau de la culpabilité, et disparaissent dans la nuit, où se mêlent larmes et pluie.
" I gotta move on... You've been a good friend Joe..."
Les autres ne passent pas très loin de ce funeste sort et se raccrochent au peu qu'il leur reste, la Foi pour certains, la volonté de retrouver leur terre pour les autres.
"Sometimes I envy the finality of death... the certainty...and I have to drive those thoughts away when I'm weak...We'll never get used to the Lord's rough ways"
Au fil du périple et des péripéties, des liens se créent et le groupe devient communauté. Car si tout semblait opposer ses membres, certains martyrs, d'autres bourreaux, tous partagent le même sentiment de peine et de deuil.
Cette lutte et cette souffrance commune aboutit finalement à une réconciliation entre Joe et le Chef. Toute la rancœur de Joe vis-à-vis de Yellow Hawk s'estompe au fur et à mesure que celui-ci déperit.
"A part of me dies with you"
Le Pardon, longtemps cru impossible, est enfin accordé.
Si Joe semble avoir obtenu le Salut, ses vieux démons ressurgissent brutalement suite à une énième altercation. Seuls Rosalie, Joe et la petite Cheyenne désormais orpheline survivent.
Joe, bouleversé par les événements, s'en va d'un pas mécanique, couteau à la main, achever le dernier ennemi vivant. Il l'ouvre en deux, comme les natifs l'ont jadis fait à ses hommes, et comme il l'a lui même imité tant de fois par vengeance. Joe a failli à sa quête, celle de protéger cette famille, celle de retrouver son humanité.
Il se tourne alors, les mains pleines de sang et le cœur lourd de désespoir, vers les deux rescapées, à qui il ne reste, comme lui, que la vie.
Ces deux vies sont les seules qu'il a pu préserver. Joe, après avoir fait ses adieux, en prend finalement conscience. Il fait demi-tour, contemple ce train dans lequel sont déjà installées ses protégées, et réalise que c'est là sa dernière chance de sauver, cette fois, sa vie à lui. Il la saisit avec résolution, et monte à bord du wagon rejoindre cette femme et cette fillette.
S'en va ainsi ce train, laissant derrière lui les décombres du passé; et renait alors une famille sur les cendres des anciennes, telle un phœnix s'envolant vers l'avenir.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.
Créée
le 6 déc. 2021
Critique lue 57 fois
1 j'aime
D'autres avis sur Hostiles
Histoire d'un aller simple, Hostiles s'impose comme une ode au genre western qu'il investit, qu'il anime, qu'il magnifie. Scott Cooper a tout d'un grand et continue de questionner, tout au long de sa...
le 14 mars 2018
99 j'aime
18
Aïe aïe aïe... Il ne faudrait surtout pas que la suite de la carrière de Scott Cooper soit calquée sur les dernières vingt minutes de son film. Le garçon est capable de fulgurances, on le sait depuis...
Par
le 21 mars 2018
89 j'aime
44
“The essential American soul is hard, isolate, stoic, and a killer. It has never yet melted.” La citation de D.H Lawrence, en exergue, et reprend le flambeau du grand western : coucher sur un papier...
le 15 avr. 2018
89 j'aime
6
Du même critique
Et si vous suiviez cette voiture noire qui s'enfonce lentement dans la nuit... Et si cette nuit vous aspirait... Et si vous... rêviez. Mulholland Drive, c'est une brume, tantôt oppressante, tantôt...
Par
le 16 août 2020
1 j'aime
Une famille exterminée, une maison qui brûle, des hommes traînés à cheval, une femme qui hurle à la mort, telles sont les premières images d'Hostiles. Dans une Amérique déchirée par la violence, le...
Par
le 6 déc. 2021
1 j'aime
La plupart des gens considèrent ce film comme médiocre, mais j'ai un attachement particulier pour ce film. Je ne saurais pas dire précisément pourquoi, mais il y a plein d'éléments qui me parlent...
Par
le 24 sept. 2020
1 j'aime