Il y a une chose que l'on enlèvera jamais à Wong Jing, c'est son goût sur en matière de jolies filles. Fort de ce flair indéniable et convaincu (à raison) qu'un casting fort en présence féminine assurait de bons résultats au box office, le rusé réalisateur/producteur a régulièrement alimenté les écrans de HK en films à forte valeur féminine ajoutée. Bien sûr, ce qui est essentiel, c'est avant tout la plastique de ces demoiselles plutôt que leurs talents d'actrices car leurs rôles sont essentiellement ceux de jolies potiches. Les femmes fortes ne sont pas vraiment la tasse de thé de Wong... How To Pick Up Girls est une belle illustration de cette tendance. La réalisation de Wong Jing fait partie de ces nombreux films de « drague » qui occupaient avec succès les écrans Hong Kongais dans les années 80. La multiplication des acteurs et surtout des actrices était un moyen fort simple de procurer la petite touche d'originalité nécessaire pour que cette nouvelle production trouve son public. Avec plus de 12 millions de dollars de ramassés, on peut dire que le magnat Hong Kongais a encore eu le nez creux !
D'abord basés sur des rivalités individuelles, les films de drague ont évolué en mettant en scène de véritables groupes de célibataires (masculins) à la recherche d'amies intimes. Mais la cible était généralement unique. Ainsi, dans la série des "Lucky Stars", la troupe menée par Samo concentrait ses mauvais coups sur Cherie Chung dans Winners And Sinners ou Sibelle Hu dans My Lucky Stars. Dans le (on y revient toujours) Romancing Star de Wong Jing, c'est la relation entre Chow Yun Fat et Maggie Cheung qui a les honneurs, les comparses de Chow n'ayant qu'un rôle de faire valoir comiques.
Pour How To Pick Up Girls la formule est donc (très) légèrement différente, chacun des membres du groupe ayant sa prétendante attitrée. Un bon moyen d'augmenter le star power du film et d'attirer ainsi les foules. Les acteurs sont donc un savant mélange de valeurs sures du genre et de jeunes à la popularité croissante. Dans les premiers, on retrouve Stanley Fung (fidèle à lui-même), Eric Tsang (idem) et même Wong himself (amusant en homme au foyer efféminé). Coté jeunot, on a droit à Wilson Lam (peu charismatique). Chez les femmes, le rapport est inversé. Et ce sont les débutantes qui sont les plus nombreuses : Elizabeth Lee (physiquement mise en valeur mais trop sérieuse), Chingmy Yau (plus « enfantine » que par la suite de sa carrière) et Ellen Chan (jolie mais peu crédible). Maggie Cheung et Sandra Ng ne sont pas dans l'industrie depuis beaucoup plus longtemps que leurs consœurs mais, en peu de temps, elles ont déjà fait leurs trous et sont d'authentiques habituées du genre.
Le soin apporté au casting ne se retrouve cependant pas dans le scénario, typique des travaux de Wong. Car, pris dans son intégralité, How To Pick Up Girls n'a pas une once de crédibilité. Car comment croire que ces couples improbables pourraient vraiment se former ? Il suffit de regarder celui formé par Stanley Fung et Elizabeth Lee. Cette dernière est une femme épanouie et bien équilibrée. Fung de son coté est raleur et s'emporte vite. Il n'hésite surtout pas à piéger la jeune femme (la séquence où il se fait passer pour un attardé mental) afin de profiter d'elle. Un peu plus tard, elle est déçue par le comportement d'un autre prétendant (Charlie Cho, elle ne sait vraiment pas les choisir !) et se jette immédiatement dans les bras de Fung. Toutes les relations du film sont traitées de la sorte : de Wong qui réussit à avoir Chingmy en lui mettant une bonne correction (le syndrome Tiger On The Beat en somme) à Wilson Lam qui emballe Maggie Cheung en ne faisant strictement rien (« cela prouve que tu n'en veux pas à mon argent ! » dixit Maggie), on nage dans la fantaisie la plus complète.
Ce qui ressort de tout cela, c'est que chez Wong Jing, aussi belle, riche, bien dans sa peau que soit une femme, elle se doit d'être avec un homme. Peu importe que celui-ci soit un boulet, mieux vaut être mal accompagné que seule. Réjouissant pour la gente masculine, plus inquiétant pour le sexe faible...
Ce type d'histoire sans queue ni tête est typique de l'homme. Cependant, il faut lui reconnaître un certain talent pour l'élaboration de gags. Car pris isolément, certains moments de How To Pick Up Girls s'avèrent particulièrement amusants. La fameuse séquence où Stanley Fung se fait passer pour un mongolien est assez emblématique. Certes, c'est de très mauvais goût (autant que les blagues sur les homosexuels, les victimes du sida, les minorités ethniques... Toutes cibles de choix de l'humour Wong Jingien) mais tellement exagéré (le père qui met son vrai fils dans un placard le temps que Fung se fasse passer pour lui) et à la bêtise totalement assumée (c'est basique et ça le revendique) que cela en devient hilarant. Si le film ne peut pas prétendre à n'être constitué que de moments aussi inspirés, il en contient tout de même en quantité suffisante (Wong Jing qui danse avec les danseurs de la T.V.B., la machine à rendre moins violent Fung qui l'oblige à regarder des films de Chang Cheh pendant des heures...) pour rendre sa vision plaisante.