Sokourov est passionné, et il nous l'explique dans ce court documentaire, par l'art du XVIIe siècle. L'occasion pour lui de faire découvrir un peintre français, Hubert Robert, en se contentant de filmer ses tableaux et invitant le spectateur à la contemplation. On le comprend aisément, il s'agit moins de cinéma que d'un commentaire de cinéaste sur un de ses peintres favoris. Pourtant, Sokourov convoque quelque chose de lui-même, de son travail de cinéaste dans ce documentaire sur Hubert Robert et ce n'est pas ces longs plans brumeux sur les toiles de Hubert Robert qui viendront me faire dire le contraire.
A bien observer les toiles du peintre français, on se dit qu'elles ont un point commun avec les films du cinéaste russe. Le trait y est volontairement vaporeux, hésitant, comme l'image, floue et distendue, des films de Sokourov. L'ensemble des toiles de Robert évoque à la fois un classicisme d'une grande rigueur formelle et quelque chose de plus lancinant, élégiaque, imagé. Sokourov le dit lui-même, de sa voix calme et apaisante, Hubert Robert dessine des formes réelles mais non vraies, les bâtiments effondrés et les fontaines que l'on peut voir dans ses tableaux n'existent pas, n'ont jamais existé. Sokourov aussi prend des libertés avec la réalité, et ses films cultivent à la fois un héritage classique (les références systématiques à la peinture et à la musique classique, cf le long plan fixe qui ouvre les monumentales Voix Spirituelles où Sokourov nous invite à réécouter Mozart) et ce caractère neuf, et imaginatif.
Cette interlude artistique avec Sokourov vaut donc le coup d'oeil, dévoilant d'une pierre deux coups Robert et Sokourov, le génie dont l'oeuvre est au carrefour de tous les arts.